Les mines de charbon, c’est vraiment du passé ? (Je ne trouve que des photos en noir et blanc)
On a vu à quel point les énergies fossiles ont été importantes dans la construction de notre monde, monde appelé « moderne » justement depuis qu’on sait utiliser efficacement ces énergies. Le « progrès » a commencé avec le charbon en Angleterre, puis il s’est rapidement propagé en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, avec l’utilisation du gaz, du pétrole et (toujours !) du charbon. Mais quand on entend parler du charbon en France, on se dit que ça fait parti du passé. C’est vrai, notre dernière mine de charbon a fermé il y a fort longtemps, en 1988 ! Et il est aussi vrai qu’on n’importe quasiment pas de charbon en France. C’est donc de l’histoire ancienne chez nous… Alors sur quelle énergie repose le progrès de nos jours ? A-t-on réussi à se passer du charbon ? Et des énergies fossiles en général ?
Commençons par mettre les pieds dans le plat en disant que dans beaucoup d’autres pays, le charbon n’est pas du tout de l’histoire ancienne, c’est même plutôt de l’histoire très moderne. On parle par exemple souvent de la Chine, qui pollue comme jamais elle ne l’a fait, à cause de ses centrales à charbon.
En quelques mots, une centrale à charbon c’est un peu comme une cocotte-minute géante chauffée… au charbon. Et souvenez-vous, sur vos cocottes-minute se trouve un petit élément qui tourne quand la vapeur s’échappe de la cocotte. Et bien pour une centrale, cet élément qui tourne n’est rien d’autre qu’une dynamo qui produit de l’électricité. En bref, une centrale à charbon permet de transformer du charbon en électricité (et au passage, cela émet beaucoup de CO2 et de particules nocives pour les poumons, que les chinois respirent à longueur de journée). Et remarquez qu’avec ce système de cocotte-minute à dynamo, on peut aussi utiliser du pétrole, du gaz, du bois, de l’uranium, ou tout autre chose qui chauffe, pour produire de l’électricité.
La Chine : un mauvais élève ?
Revenons à nos moutons, comment la Chine en est-elle arrivée en quelques années à être l’un des pays les plus pollueurs du monde ? La Chine a économiquement ouvert ses frontières en 1978, suite à la mort de Mao Zedong, et c’est à partir de là que le pays a commencé à se développer à grande vitesse. Sans trop caricaturer, on peut dire qu’en quelques années la Chine a suivi le même développement que l’Europe l’a fait en 150 ans. La grande majorité de la population était rurale, et se retrouve aujourd’hui dans les usines. L’industrie tourne au charbon, l’électricité est produite au charbon. Pour avoir une idée de la taille de ce phénomène, sachez que pendant la seule année 2013, la Chine a installé une capacité à produire de l’électricité au charbon presqu’aussi grande que la capacité totale des centrales nucléaires françaises (environ 400 TWh, pour les connaisseurs) ! 😯
Et les autres pays alors ?
On pourrait se dire que la Chine va se moderniser encore plus et donc arrêter d’utiliser du charbon. En fait l’idée que le charbon n’est pas moderne est une idée fausse qu’on a en France. Chaque pays utilise l’énergie qu’il peut utiliser le plus « facilement » possible. Quand je parle de facilité, je parle sans le dire d’argent (ou plus précisément de « rentabilité économique »). Oui, c’est l’argent qui définit en grande partie ce qui est facile ou non (c’est-à-dire pas cher ou cher) pour un pays, et donc ce qui est bon ou non pour ce pays. En Chine, il y a énormément de charbon facile d’accès (c’est-à-dire peu cher pour eux), et tant que cela sera le cas, la Chine continuera à l’utiliser en priorité.
En France, lorsque nos mines de charbon n’ont plus été suffisantes pour produire l’énergie nécessaire pour la croissance désirée pour notre pays, après la seconde guerre mondiale, il a été décidé de construire des centrales nucléaires (qui ont effectivement vu le jour dans les années 1960). Cela s’est fait comme ça car on sentait que produire de l’électricité serait plus cher, et moins sûr, en faisant venir du charbon d’un autre pays plutôt que de faire venir de l’uranium. Pour tout dire, l’utilisation du nucléaire à base d’uranium était aussi un choix stratégique, car la France importait déjà de l’uranium pour fabriquer des bombes.
La Pologne, de son côté, a suffisamment de charbon sur son territoire, si bien qu’elle a toujours utilisé cette énergie pour produire son électricité. Ainsi, là-bas, prendre le train pollue plus que prendre le bus, car l’électricité qui permet au train de rouler est produite avec du charbon, ce qui, au total, pollue plus que le pétrole qui fait rouler le bus. De même, dans ce pays, la voiture électrique pollue plus que la voiture à pétrole 😯 .
Quant à l’Allemagne, elle a elle-aussi toujours conservé le charbon, abondant chez elle, tout en développant un peu de nucléaire. Suite au tsunami sur la centrale de Fukushima, une décision politique a été prise d’arrêter rapidement le nucléaire en Allemagne. Pour compenser cette énergie en moins, l’Allemagne a développé les énergies renouvelables, principalement le photovoltaïque et l’éolien, mais a aussi ouvert de nouvelles centrales au charbon et au gaz (je reviendrai dans un prochain article sur ces fameuses énergies renouvelables, leurs forces et leurs faiblesses).
Comment les pays choisissent-ils leur énergie ?
En résumé, la manière dont les pays choisissent quelles énergies ils vont utiliser dépend de ce que cela va leur coûter, en fonction de ce qu’ils ont déjà chez eux, et en fonction du prix que leur fera payer le pays auquel ils achèteront l’énergie manquante. Sur ce dernier point, le prix, cela se complique. Le prix dépend de si le pays qui nous vend l’énergie est notre ami, mais aussi de la quantité de cette énergie que veulent les autres pays par rapport à la quantité qu’on est capable de produire dans le monde. Par exemple, la quantité de pétrole qu’a pu obtenir l’Europe baisse depuis 2006, car la Chine, l’Inde, et les autres pays qui se développent rapidement en prennent une part de plus en plus grande 😕 . Enfin, les choix énergétiques d’un pays dépendent aussi, mais de plus en plus rarement, de décisions politiques en fonction de ce que les gens pensent dans le pays (comme en Allemagne, où la population a considéré que le nucléaire était moins bon pour la société que les énergies mises en place pour le remplacer) ou des intérêts stratégiques du pays (comme le nucléaire en France et aux Etats-Unis, historiquement lié à la bombe atomique).
Encore faut-il avoir le choix de l’énergie qu’on utilise ! Toutes les sources d’énergie ne sont pas équivalentes et ne s’utilisent pas de la même manière. En décrivant l’histoire de la révolution industrielle, on a déjà vu que le charbon ne pouvait pas être utilisé dans de petits moteurs mobiles comme ceux des voitures. Ces dernières se sont développés grâce au pétrole et au gaz. Donc pas de charbon pour faire rouler les voitures ! Ni pour faire voler les avions d’ailleurs. Les pays qui ont du charbon le réservent pour produire de l’électricité, tandis que les pays qui n’ont que du pétrole font rouler leur voiture au pétrole, et en utilisent aussi pour produire de l’électricité (c’est le cas de l’Arabie Saoudite). L’utilisation qu’on veut faire de l’énergie est donc importante dans le choix de l’énergie qu’on achète : avec du pétrole je peux quasiment tout faire, alors qu’avec du charbon je ne peux guère que faire de l’électricité (ou produire de l’acier, mais cela ne fait pas parti des énergies).
Une autre contrainte qui intervient dans le choix des énergies, c’est la facilité qu’on a à les transporter. Le pétrole se transporte facilement par giga-bateaux (les « supertankers »), ou par pipeline. C’est donc une énergie internationale, puisqu’il circule aussi bien sur terre que sur mer. Ainsi, la France achète son pétrole aussi bien à l’Afrique qu’à la Russie, ou qu’au Moyen-Orient. Le gaz est moins pratique à transporter : autant le transport est assez facile par pipeline (qu’on appelle un « gazoduc » pour le gaz), autant par bateau c’est plus compliqué, car il faut liquéfier le gaz (qu’on appelle alors du GNL, Gaz Naturel Liquéfié) pour que le bateau puisse en transporter assez (le gaz prend trop de place à l’état gazeux). Le gaz est donc plus « régional ». Par exemple, celui acheté par la France vient principalement de la mer du Nord, de la Russie, et de la Hollande, mais pas des États-Unis. Quant au charbon, il se transporte beaucoup moins, car il est moins dense en énergie, et ne circule pas facilement sur terre (et non, on n’a pas encore inventé le pipeline à charbon), si bien qu’on préfère transporter le gaz et le pétrole plutôt que le charbon. Depuis la fermeture des mines en France, notre pays n’utilise presque plus de charbon. Pour les plus motivés (et c’est en anglais), voici un schéma qui résume comment sont utilisées les différentes énergies aux Etats-Unis (mais cela illustre bien comment on utilise les énergies dans le monde).
Ça donne quoi au niveau mondial ?
Tout cela ne nous dit pas quel est le bilan au niveau mondial. Qui va gagner entre le Vieux Roi Charbonium, Pétrolosaurus Rex, Atomic Man et Gazy L’Impératrice ? Roulement de tambour, tadaaa :
Est-ce une surprise ? On s’aperçoit que le pétrole, le charbon, et le gaz, sont loin devant tous les autres énergies : loin devant le nucléaire (Atomic Man est battu à plate couture), et aussi devant toutes les énergies renouvelables dont on nous parle tant dans les journaux !
Pourquoi parle-t-on tant des énergies renouvelables et du nucléaire alors qu’en vérité ils ne représentent rien ?
Il faut que ça bouge pour qu’on en parle !
Mon interprétation serait qu’on parle du nucléaire et des énergies renouvelables car il y a du mouvement à leur sujet, ça bouge : suite à Fukushima, l’Allemagne a subitement décidé d’arrêter le nucléaire, alors on en parle et on se demande s’il faudrait faire pareil en France. Quant aux énergies renouvelables, on en entend parler car l’Europe veut en mettre le plus possible dans sa production d’électricité. On voit par conséquent que certains pays européens (dont la France) mettent des éoliennes alors qu’avant ils n’en avaient pas. Bref, on parle de ce qui change, de ce qui bouge, et de ce qui est proche de nous. Parler de ce qui existe déjà, ce n’est pas une « nouvelle », donc ça passe mal au JT ou dans les journaux (la famine en Afrique, c’est important, mais ce n’est pas nouveau, contrairement à Nabilla qui poignarde son copain). Et parler de ce qui est loin de nous, ça ne fait pas d’audimat, car les gens s’intéressent surtout, et c’est humain, à ce qui peut leur servir directement dans la vie (un dangereux tueur en Argentine ne fait pas le même effet dans les journaux que le même tueur à Paris ! Et Nabilla, ou le foot, ça fait de très bons sujets de conversations avec les copains 😉 ).
C’est un sujet tellement important que ça fait peur !
Mais au final, si on va un peu plus loin, on s’aperçoit que personne ne parle du pétrole peut-être aussi parce qu’il reste irremplaçable dans les transports (il y a bien sûr les voitures électriques, mais elles sont encore trop chères pour pouvoir remplacer les voitures au pétrole. On parlera aussi plus tard d’autres problèmes sérieux concernant la voiture électrique, qui laissent penser que l’électricité ne remplacera pas le pétrole facilement), et donc rien ne change à son sujet : tout le monde en consomme toujours autant et en a toujours autant besoin. Seul son prix varie, et c’est de cela qu’on parle un peu au sujet du pétrole.
Personne ne parle du charbon non plus car il n’y en a plus chez nous et ça, ça ne change pas. On en entend parfois parler avec la pollution en Chine, ou l’arrêt du nucléaire en Allemagne, mais c’est assez loin de nous, alors ça ne va pas plus loin. Et enfin, on parle très peu du gaz, malgré la relation entre l’Europe et la Russie, qui repose en grande partie sur le gaz que l’Europe achète à la Russie.
Le sujet des énergies fossiles est tellement important d’un point de vue géopolitique que c’en est un sujet très sensible et délicat à traiter. Et oui, ces énergies représentent plus de 90% de l’énergie consommée dans le monde, et on sent bien que la bonne santé de l’économie, et donc de nos emplois et de notre pouvoir d’achat en dépend grandement ! Les informations à ce sujet peuvent donc être de mauvaises nouvelles pour notre économie, ce dont les grands journaux n’aiment pas trop parler. Avez-vous entendu parler de ce contrat d’achat de gaz par la Chine à la Russie, d’une valeur de 400 milliards de dollars, pour les 30 prochaines années ? 😯 C’est une information très importante, mais aussi très délicate à traiter, car elle concerne notre relation avec la Russie et notre consommation de gaz à tous.
L’utilisation de l’énergie dans le monde est toujours essentiellement basée sur les énergies fossiles, comme au début de la révolution industrielle. On en parle peu, on n’en débat pas, car on a l’impression que le sujet des énergies fossiles ne bouge pas vraiment, et car au fond lorsqu’on commence à y réfléchir, cela fait un peu peur. Cela pose évidemment plusieurs problèmes, qui m’ont d’ailleurs motivé à commencer ce blog : les énergies fossiles ne sont pas renouvelables, et il arrivera un jour où on en aura de moins en moins (ce qui est déjà le cas pour le pétrole et le gaz en Europe par exemple) ; l’utilisation de ces énergies émet du CO2, ce qui dérègle notre climat ; et enfin, les quantités utilisées sont telles que les remplacer par d’autres énergies est une mission impossible à laquelle il faut s’attaquer au plus vite (et pas sûr que Tom Cruise puisse nous aider pour celle-ci…).