On se demandait ici pourquoi le prix du pétrole faisait le yoyo. Avant de répondre à cette question, il faut d’abord voir ce que le prix du pétrole « cache » [gros suspense !]. Avec le prix, on ne voit certes qu’un nombre qui ne nous dit vraiment pas grand-chose sur son origine, mais le prix contient en fait une véritable pyramide d’éléments. Comme personne ne sait vraiment ce qu’il y a derrière un prix, les entreprises peuvent faire tout et n’importe quoi pour que ce nombre baisse coûte que coûte, et peu importent les externalités. Bien sûr, ces entreprises se gardent bien de nous expliquer comment sont construits leurs prix. C’est pour cela qu’on découvre parfois avec grande surprise que certaines entreprises font en fait travailler des gens (parfois des enfants, et là ça fait un scandale) dans des conditions pas très sympas. Alors pourquoi certaines choses valent-elles plus chers que d’autres ? Que se cache-t-il dans le prix des choses ?
Les gens « de base » : travailler + pour gagner +
Partons d’un objet simple : un vase fait artisanalement par un souffleur de verre qui vivrait dans le désert. Appelons-le Patrice (le souffleur, pas le vase). Pour faire son vase, notre artisan Patrice a besoin de sable blanc, ainsi que de quelques autres « ingrédients », qu’il fait fondre et qu’il souffle à l’aide de sa canne de souffleur. Il doit bien sûr récompenser son travail par un salaire, et il doit acheter le sable blanc.
Imaginons que ce sable a été durement ramassé dans le désert par Luc, un de ses amis. Pat’ a donc du payer Luc pour avoir du sable (remarquez au passage que l’argent que Pat’ donne à Luc a uniquement servi à payer le travail de Luc, et non pas à payer le sable, qui est offert gratos par le désert 😎 ). Patrice a aussi du payer le travail de l’artisan qui a fabriqué sa canne de souffleur. Au final, dans le prix du vase, on trouve les salaires de tous ceux qui ont travaillé pour fabriquer les outils nécessaires à la fabrication du vase (c’est le prix du travail « passé »), et on trouve les salaires de Luc et de Patrice (le prix du travail présent). Si le sable était dans une zone appartenant à quelqu’un, il aura aussi fallu que Luc paye un « droit d’exploiter » le sable de la zone. On trouverait aussi le prix de cette taxe d’exploitation dans le prix du vase.
En définitive, le prix du vase contient les salaires de tous ceux qui ont contribué à sa fabrication, et rien d’autre. Le prix paye donc du travail humain, présent ou passé, et non pas la planète qui nous fournit gratuitement les ingrédients de base 😯 .
L’Etat : Taxer + pour gagner +
Maintenant, compliquons les choses : disons que notre vase est produit non plus dans un désert perdu, mais en France, et ajoutons que ce vase est vendu en France. Le prix de mon vase va alors contenir des taxes (par exemple la fameuse TVA) de l’Etat français. C’est un des moyens qu’a l’Etat de prélever des sous pour faire fonctionner le pays.
Les rentiers : Avoir + d’argent pour gagner +
Dorénavant, notre vase n’est plus fabriqué artisanalement, mais industriellement, par une grande entreprise. Alors une partie du prix va terminer dans les poches… de l’entreprise, même si ce n’est pas une personne ! Ce n’est que temporaire bien sûr, car l’entreprise va utiliser cet argent :
- soit pour récompenser par des dividendes ceux qui ont donné de l’argent à l’entreprise (c’est-à-dire ceux qui ont « investi » dans l’entreprise, pour qu’elle puisse acheter de matériel, ou embaucher),
- soit pour rembourser les intérêts qu’elle doit aux banquiers (qui font ainsi payer le service d’avoir « prêté » de l’argent),
- soit pour payer de futurs employés qui travailleront sur de nouveaux projets.
Le prix du vase contient donc toujours les salaires des travailleurs, mais aussi les dividendes de ceux qui ont investi de l’argent dans la fabrication du vase, et les intérêts des banquiers qui ont « prêté » de l’argent à l’entreprise. On remarque ici que l’argent, en plus d’acheter du temps de travail humain présent ou passé, peut aussi acheter… de l’argent dans le futur !
Le taux de change
Et enfin, imaginons que l’entreprise produisant les vases soit dans un autre pays. Il faudra éventuellement payer des droits de douane pour pouvoir transférer le produit entre les deux pays, et il faudra éventuellement changer de monnaie pour pouvoir acheter le produit dans la bonne monnaie. Dans ce cas, il faut acheter de la monnaie étrangère en utilisant un taux de change, pour pouvoir payer grâce à cette monnaie étrangère. Le taux de change étire ou contracte en quelque sorte le prix final.
Alors, ce prix de l’essence ?
Ça y est, nous avons fait le plus dur ! Entrons directement dans le vif du sujet : le prix de l’essence ! Voici à titre explicatif les différentes choses que contient le prix de l’essence.
Dans ce diagramme, les taxes d’exploitation sont ce que reçoit le pays dans lequel on a exploité le pétrole (par exemple, la Russie ou le Qatar), le travail humain est le travail fait par le type qui tient la station service, le camionneur et l’équipe du supertanker qui ont transporté l’essence, l’équipe qui gère le puits de pétrole, etc. Le travail humain passé est le travail qui a permis de construire le camion, le supertanker, les pompes à essence, la station-service, les infrastructures autour du puits de pétrole pour pomper… L’argent du passé, ce sont les dividendes des actionnaires des différentes entreprises et les intérêts payés aux banquiers qui ont prêté de l’argent.
La loi de l’offre et de la demande
Maintenant qu’on a tout ça en tête, pour encore mieux comprendre les prix, il faut parler de la fameuse loi de l’offre et de la demande. Cette loi dit que plus la demande est grande par rapport à l’offre, plus le prix monte. Et vice versa, plus l’offre est grande par rapport à la demande, plus le prix baisse.
Petite traduction… La demande en pommes par exemple, c’est le nombre de pommes que veulent acheter l’ensemble des gens qui veulent des pommes. L’offre, c’est la quantité de pommes que l’ensemble des gens veut bien mettre en vente. S’il y a trop de demande, les vendeurs de pommes augmentent leur prix tout en trouvant encore des acheteurs. Cela élimine d’autres acheteurs qui ne peuvent plus se payer de pommes ! Et cela convainc éventuellement de nouveaux vendeurs de vendre des pommes.
Cette loi nous donne donc dans quelle direction le prix va aller. Ce que cela veut dire, c’est que notre camembert du prix de l’essence peut devenir globalement plus gros s’il y a beaucoup de gens qui veulent de l’essence par rapport à la quantité d’essence qui est en vente. Le prix gloabl augmente ! Au final les pays producteurs touchent plus d’argent par la taxe d’exploitation, les salaires des gens qui ont travaillé pour obtenir notre essence augmentent, les banquiers se font rembourser plus rapidement, et on peut offrir plus de dividendes aux investisseurs. Au contraire, si la demande est plus faible que l’offre, les prix baissent, et notre camembert se contracte…C’est ce qu’il se passe en ce moment avec le pétrole ! Mais après ces quelques bases sur le prix des choses, le prix du pétrole mérite une explication en détail dans un prochain article ! 😛