Les inégalités homme-femme : le salaire

Parlons aujourd’hui d’un sujet « sensible » : le féminisme. Le féminisme ! Mais pourquoi donc serait-ce un sujet sensible ? Allez, ne feignez pas, vous le savez aussi bien que moi, c’est un sujet qui agace certains (et certaines !), qui anime passionnément d’autres, et c’est même une raison de vivre et de se battre pour quelques-unes. Quand je dis que ça agace certains, pour être plus clair, c’est que ce que disent les féministes a l’air de déstabiliser les hommes. On dit d’ailleurs qu’ils vacillent dans leur virilité, que le romantisme à la française est en train de mourir, tout ça tout ça. A tel point qu’un psychologue canadien, Jordan Peterson, est devenu une grande star de la télé et a fait tous les plateaux mondiaux, en portant la voix de ses clients, qu’il décrit comme de jeunes hommes perdus face aux trop grands changements que le féminisme mène… Tout ça pour dire qu’il y a un sujet sur lequel réfléchir, youpi ! 💡

Et puis il est vrai que le sujet du féminisme est beaucoup monté ces derniers temps, avec le mouvement international « meetoo » (« balance ton porc», en bon français), qui dénonçait le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel, en incitant les femmes qui avaient subies ces harcèlements à le dire « tout haut », ou en tous cas à l’écrire sur Internet et à raconter leurs mauvaises expériences là-dessus.

On pourrait être surpris que le sujet soit aussi présent, notamment si on est un homme, tant il est consensuel de dire entre gens de la bonne société (notamment les hommes) qu’on est « pour » le féminisme, et pour l’égalité homme-femme (car il me semble que c’est le grand combat porté par les féministes). C’est vrai, je ne crois pas me souvenir avoir rencontré quelqu’un étant ouvertement pour les inégalités entre les hommes et les femmes. C’est déjà ça, ce genre d’inégalités ne sont plus à la mode ! Mais entre les paroles et ce qu’on observe dans les actes, peut-être y a-t-il des différences… C’est ce que nous allons creuser !

Le féminisme, combat contre les inégalités : un truc de bonhomme !

Après cette introduction fort bien sentie pour égayer votre appétit (ou aiguiser, je ne sais jamais !), parlons de cette fameuse égalité homme-femme. Car elle sous-entend quelque chose de grave : qu’il y aurait des inégalités entre ces deux genres 😕 Et il semblerait bien que, dans cette inégalité, les hommes soient les gagnants, et les femmes… les perdantes (pas de piège jusque-là) ! Autrement, je suppose, les femmes ne se battraient pas et ce sont les hommes qui se battraient contre les inégalités (toujours pas de piège). On voit ici un second sous-entendu lorsqu’on entend parler de féminisme : comme les hommes sont, semble-t-il, les gagnants, ils auraient tout intérêt à résister au féminisme, et les femmes auraient tout intérêt à joindre le combat ! Arf, serions-nous donc à l’aube d’une vraie guerre civile, déchirant la population en deux camps ?

Alors calmons-nous illico, et venons-en aux faits. Les féministes dénoncent plusieurs types d’inégalités, et, notamment, en ont dénoncé de multiples au cours de l’histoire récente. Par exemple, la loi française est maintenant sensée être la même pour les deux genres, plutôt cool ! (dans les textes en tout cas, mais pas forcément encore dans les faits : par exemple, en moyenne les hommes sont plus envoyés en prison que les femmes pour des faits comparables).

Même si cela te parait naturel, jeune lecteur, ces droits ont été arrachés parfois difficilement et courageusement ! Les fameuses suffragettes britanniques ont ainsi obtenu le droit de vote pour les femmes au Royaume-Uni, en 1928, au prix de nombreuses arrestations, et même de quelques mort(e)s ! Rassurez-vous, il ne s’agit pas de morts entre deux camps, les hommes britanniques contre les femmes britanniques dans une guerre civile massive, mais de victimes de la répression policière essentiellement, ce qui est bien plus subtil et ne ressemble pas à une guerre civile… Mais qui a néanmoins mené à ces victimes !! Tout ça pour vous dire que le féminisme est un combat, parfois jusqu’au au sens littéral du terme… Et que le féminisme est un mouvement qui a déjà obtenu des victoires, et qui a d’ores et déjà fait évoluer les choses, dans un sens qui nous parait aujourd’hui tout à fait acceptable et normal alors qu’il en a certainement choqué plus d’un(e) à l’époque : oui les femmes votent, et oui elles peuvent gérer leur propre argent !

Un bataillon de suffragettes... Prenez gardes, inégalités ! [ Source : Johnny Cyprus, Creative Commons
Un bataillon de suffragettes… Prenez gardes, inégalités ! [ Source : Johnny Cyprus, Creative Commons

Mon salaire est plus gros que le tien !

Mais il reste apparemment du boulot, puisque le féminisme fait encore rage… Il existerait donc encore des inégalités… On entend souvent parler des inégalités de salaire, par exemple. Alors, info ? Intox ? Fake news ? Complot mondial ?

Grosso modo, il faut retenir qu’aujourd’hui en France, les femmes gagnent en moyenne 20% de moins que les hommes. « En moyenne », cela veut dire que je prends la somme d’argent gagnée par l’ensemble des femmes (qui ont un travail) dans le pays, et que je divise par le nombre de femmes qui gagnent cet argent, et que je compare au même calcul pour les hommes qui travaillent.

Si on regarde de plus près, l’écart s’explique en partie par le fait que les femmes ont des postes en moyenne moins élevés hiérarchiquement, et plus d’emplois à temps partiel (des emplois dans lesquels on travaille moins d’heures), que les hommes. Les femmes travaillent en moyenne plus dans les emplois du social et de l’aide à la personne, qui sont moins bien valorisés par le salaire que d’autres métiers. On peut alors se poser la question de savoir pourquoi les femmes se retrouvent plus dans ces métiers que les hommes, et savoir si c’est une bonne chose, ou si c’est quelque chose qu’il faudrait changer. Et si on souhaite le changer, il faut aussi réfléchir à comment le changer ! Dans cette optique, il faut bien comprendre les causes de cet état des choses. On y reviendra !

Déjà à l'époque, les infirmières étaient des femmes... | Source :  Lychar02, Creative commons
Déjà à l’époque (des photos en noir et blanc), les infirmières étaient des femmes. | Source : Lychar02, Creative commons

Je vous ai dit que la différence de métiers expliquait en partie l’écart des salaires homme-femme. Mais ça ne l’explique qu’en partie ! En effet, à compétence, métier, et temps de travail égaux, les femmes gagnent toujours 10% de moins que les hommes en moyenne… Comment comprendre ça ? :roll:

Trop bonne, trop c**** ! 😮

Hé bien, certains vont plus loin dans l’explication de cet écart (dont notre cher psychologue canadien, Jordan Peterson, qui dit des bêtises mais pas que) : le reste de l’écart s’expliquerait par… des traits de personnalités différents ! L’explication rapide, avancée par l’ami Jordan, est que les femmes auraient en moyenne un trait de personnalité, appelé « l’agréabilité », plus grand que chez les hommes. Agréabilité, voilà bien un mot de psychologue ! Pour faire simple, c’est un mot qui signifie qu’on est prêt à faire passer l’harmonie du groupe avant ses propres intérêts. Donc grosso modo, les femmes oseraient moins, en moyenne, demander une augmentation à leur patron, ou bien demander une promotion au poste supérieur, ou alors n’oseraient pas mettre des bâtons dans les roues d’un autre qui l’aurait fait avant elles… Conséquence, comme moins de femmes osent, et bien cela apparaît dans la moyenne des salaires, et aussi des postes hiérarchiques : il y a moins de femmes patronnes que d’hommes patrons.

Mais à cet endroit, il faut aller encore plus loin, et raisonner en bon comportementaliste (vous savez, ce sont ces chercheurs qui tentent de comprendre pourquoi on se comporte comme on se comporte – j’aime bien utiliser leurs recherches sur les pigeons 😉 ) : lorsqu’une femme demande une augmentation, ou une promotion, elle est perçue comme trop ambitieuse, trop exigeante, par les hommes bien sûr… Mais aussi par les femmes ! Donc une pression généralisée de « bonne image sociale » s’abat sur les femmes qui désireraient gagner autant que les hommes : en gros, cette pression sociale susurre : « si tu es une femme, fais ce qu’on attend d’une femme dans le cadre du travail »…

On voit là très clairement que l’agréabilité supérieure des femmes par rapport aux hommes est (certainement en grande partie) le fruit d’un regard social sur les femmes, qui influe sur la manière dont elles sont éduquées par leurs parents, et qui influe tout au long de leur vie par les multiples réactions que vont susciter leurs comportements : un comportement dit « d’homme » fait par une femme sera mal vu. Un comportement dit « féminin » par une femme sera bien vu. Ce regard social maintient donc solidement en place ce qu’on pourrait appeler une « norme culturelle ». Waouh, ça en fait du baratin, avec l’agréabilité, le regard social, la norme culturelle, c’est pas un peu utiliser un tank pour tuer une mouche là ? Et non petit padawan, c’est avec du baratin nouveau que tu pourras maîtriser les idées, et donc dominer le monde, mouhahahaaahaha ! 😈

Oups, dominer le monde ce n’est pas faire preuve d’une grande agréabilité… Mais on voit par ce petit exemple des salaires comment un regard social différent entre les hommes et les femmes peut se répercuter très concrètement dans les statistiques de salaires.

Boys will be boys! (ha, les garçons, de vrais petits casse-cous !)

Par cet exemple, j’ai beaucoup parlé des femmes. Mais parlons des hommes ! Car, toujours en bon comportementaliste, il faut bien voir que si les femmes sont soumises à un regard social, les hommes aussi : personne n’y échappe, c’est bien simple ! Certes, mais ce regard est tout de même fort différent entre les deux genres. Car qu’attend-on d’un homme dans le cadre de son travail ? Et bien on attend qu’il soit ambitieux, qu’il ait envie de gravir les échelons hiérarchiques, d’avoir un salaire élevé. Notez bien que le « on » de la phrase précédente, c’est aussi bien les hommes que les femmes. Un homme qui ne désire pas monter les échelons est moins bien perçu par les autres, et par la gente féminine, qu’un homme ambitieux. En quelques sortes, l’homme peu ambitieux est décevant, ne répond pas aux attentes, c’est un peu un loser quoi. L’homme ambitieux, au contraire, est encouragé, et on considère qu’il a un comportement sain, un comportement de battant, qu’il mord la vie à pleine dents !

On retrouve là aussi ce regard social qui forge et maintient la norme, dès l’éducation des petits garçons ! Le petit garçon doit être conquérant, franchir des épreuves, monter plus haut, sauter plus loin, être fort… Quitte à passer avant les autres. En d’autres termes, le petit garçon est éduqué pour avoir une agréabilité plus faible. L’expression anglaise « boys will be boys » illustre parfaitement qu’on attend des petits garçons qu’ils se comportent… comme des petits garçons 8)

Toi aussi teste tes micro-réactions genrées

Houla houla, j’ai comme l’impression que les pièces du puzzle commencent à s’agencer correctement : les femmes sont éduquées pour se comporter de manière « agréable », les hommes pour être moins agréables et plus battants, et ensuite tout ce petit monde vit dans un milieu où on encourage les femmes à rester agréables, et les hommes à être des battants…

Oui, je résume mais je vois que tu as déjà les idées assez claires : la « norme culturelle », c’est en fait l’ensemble des réactions, des paroles et des comportements qu’on a lorsqu’un homme, ou une femme fait quelque chose dans le cadre du travail. Ces réactions apparaissent en fait tout naturellement, parce qu’on a été éduqué ainsi, et sont positives (sourires, félicitations, tapes dans le dos, paroles gentilles…) lorsque la personne fait ce qu’on attend d’elle, et négative (sourcils froncés, visage fermé ou impassible, peu de paroles, signes négatifs de tête…) lorsqu’elle ne fait pas ce qui est attendu d’elle. Sauf que ces attentes sont très… genrées, et c’est là que les inégalités se créent, et se maintiennent. Certains appellent cette norme culturelle le « patriarcat ».

Une très bonne web-série, Martin, sexe faible, met en scène toutes ces petites réactions chez les hommes comme chez les femmes et les fait clairement apparaître en… inversant les rôles ! Ainsi vous pouvez tester vos propres micro-réactions face à ces situations qui nous semblent absurdes parce qu’en fait les rôles d’homme et de femmes sont très marqués dans certaines situations, et changent aux divers âges de la vie.

Une journaliste américaine a réalisé une expérience avec sa propre vie, en se transformant pendant un an en… homme ! Elle a travaillé sa voix avec un coach, s’est musclé les épaules, et se faisait maquiller chaque matin pour avoir l’air d’un homme ! Et elle a pu s’apercevoir que toutes les réactions autour d’elle étaient différentes lorsqu’elle était en homme ! (un mini documentaire en anglais sur son expérience).

Les trucs de meuf, c’est de la balle ?

Maintenant on a assez d’éléments pour comprendre que si les femmes occupent des postes plutôt dans le social et l’aide à la personne, c’est certainement aussi parce que nos éducations et nos micro-réactions forment les femmes à aller plutôt vers ces métiers, et les hommes à les éviter. Ce sont historiquement plutôt les femmes qui s’occupaient des enfants et des personnes âgées, nous avons donc appris à trouver cela normal que les femmes fassent ce genre d’activité et pas les hommes, et nous avons donc appris à éduquer nos enfants dans ces rôles et à micro-réagir dans ce sens.

Et remarquez ici que je ne dis rien sur l’utilité de ces activités. En fait, il est peut-être plus utile pour la société de s’occuper des personnes âgées que de faire de la spéculation financière. Ces métiers ne sont donc pas dégradants, ou indignes, ou inférieurs, en soi ; c’est juste que notre système économique ne les valorise pas beaucoup, et rend sûrement ces activités plus difficiles et ingrates qu’elles ne pourraient l’être. Vaut-il mieux, alors, inciter les femmes à aller vers des métiers dits « d’hommes », ou plutôt revaloriser les métiers à majorité féminine, ce qui pourrait avoir pour effet d’attirer des hommes vers ces métiers ? (hum, et cela pose une question subsidiaire qui pourrait faire l’objet d’un post dans la section économie : comment un métier est-il « valorisé » par notre système économique ? Et peut-on influer sur cette valorisation ?)

De toutes manières c’est mort, c’est génétique ces différences !

Ça paraît simple n’est-ce pas ? J’en entends cependant déjà certains d’entre vous suggérer que ces différences de personnalité sont aussi en partie dues à notre génétique. Et c’est en effet une très bonne question ! Si jamais ces différences étaient génétiques, rien ne servirait même à y réfléchir, puisque de toutes manières la génétique ne peut pas être changée, et surtout pas chez l’être humain (parce qu’il y en a qu’ont essayé, et ils ont eu des problèmes) !

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C’est ça de trop vouloir jouer avec la génétique humaine !

Une première réflexion me vient directement : si jamais ces différences étaient entièrement génétiques, alors toutes les femmes auraient une agréabilité plus grande que tous les hommes (sauf quelques rares cas de déviance génétique). Cela n’est bien sûr pas le cas, ce qui montre qu’au moins une partie de la différence provient, comme nous l’avons vu, de l’éducation et du regard social au cours de notre vie. D’autre part, les recherches sur les déterminants de nos comportements (qui sont, selon les chercheurs, soit la génétique, soit l’apprentissage au cours de notre vie) sont formelles (et totalement déroutantes) : seulement 20% de notre comportement s’explique par la génétique. Alors, me direz-vous, 80% de nos comportements s’expliqueraient par l’apprentissage au cours de notre vie, et donc par l’éducation et les normes sociales ! Et bien non ! On estime que 20% seulement de nos comportements s’expliquent par l’apprentissage au cours de notre vie.

Et les 60% restants ? :roll: Eh bien ils résultent de l’interaction entre notre génétique et ce qu’on traverse au cours de notre vie. C’est le fait que vous (votre paquet de gênes) rencontre ces situations particulières, qui vous construit. Autrement dit, si un autre paquet de gênes rencontrait exactement les mêmes situations il se développerait très différemment quand-même. Et si votre (vrai) jumeau vivait des situations différentes des vôtres, alors il se développerait très différemment de vous (et pour les petits curieux qui se demandent comment on sait tout ça, et bien c’est justement en étudiant des vrais et des faux jumeaux, certains ayant vécus des situations similaires et d’autres séparés à la naissance). On commence même à comprendre comment notre paquet de gênes s’exprime différemment lorsqu’il est placé dans un environnement différent, via l’épigénétique. Autrement dit, certains événements vont plus marquer telle personne alors qu’une autre n’aurait pas été marquée du tout, et vice versa pour d’autres événements… Vous suivez ? :)

Revenons-en à nos moutons, le regard social : il faut bien voir que le regard social « genré » est à peu près le même pour tous les hommes, et pour toutes les femmes. Donc toutes les femmes vivent dans un monde où certains de leur comportements vont être encouragés (par exemple, être gentille, aider les autres…) et d’autres comportements vont être découragés. Même si chacune a un paquet de gênes différent, en moyenne cette influence globale va modeler la personnalité des femmes vers des comportements plus gentils, coopératifs etc que les hommes. Et c’est la même chose, en inversé, pour les hommes (des comportements en moyenne plus combatifs et compétiteurs), car, encore une fois, personne n’échappe au regard social ! On obtient donc cet état de différence entre les deux genres.

Tu deviendras un homme, mon fils ! Source: le-monde-au-futur.com.
Tu deviendras un homme, mon fils ! Source: auteur.

Le changement, c’est maintenant ?

Alors maintenant que nous avons compris tout ça, on peut se demander s’il est souhaitable de changer cet état de notre culture 😮 Parce qu’en effet, si on changeait ce regard social, alors on pourrait changer cet état… Et donc réduire les inégalités ! La question se pose, donc. Je ne me sens pour ma part pas légitime pour y mettre un point final. Mais j’ai quelques pistes de réflexion à vous suggérer. Ce faisant, il faut garder en tête que je ne vous parle dans cet article que des inégalités de salaire, et qu’il faudrait aussi regarder les autres inégalités avant de se demander s’il est souhaitable de les réduire, car certainement les actions pour en réduire certaines permettent d’en réduire d’autres, voire de toutes les réduire dans une certaine mesure ! 8)

Cette inégalité genrée, on peut supposer qu’elle agace, ou attriste les femmes, car avoir un meilleur salaire permet plus de choses et donne un certain pouvoir (a minima, un pouvoir d’achat). Et a contrario, on peut supposer qu’elle contente et satisfasse les hommes. Autrement dit, cet état de fait représente un rapport de force avantageux pour les hommes. Et tant que ce rapport de force ne sera pas remis en cause, il n’y a pas de raison que les choses changent. Il faut donc dans un premier temps, si on désire que cela change, que les individus soient conscients de cette inégalité. Et cela n’est pas si évident, car percevoir un écart de salaire moyen n’est pas chose aisée, même dans votre entreprise, surtout avec le tabou qui entoure les salaires. Il faut ensuite que les gens s’offusquent de ces inégalités, et qu’ils parviennent à porter leur parole au niveau politique si on veut que cela change dans l’ensemble de la société (et pas juste dans une entreprise, par exemple, même si c’est déjà un bon début !). Concernant les inégalités de salaire, le sujet est déjà assez connu, mais la politique peine apparemment à mettre en œuvre des solutions, puisque les inégalités existent toujours. Mais que viendrait faire le politique là-dedans ? Comment pourrait-il parvenir à changer l’éducation de tous les enfants, y compris l’éducation à la maison, et les micro-réactions de tous, tout le temps ?? Pas facile, et on pourrait même considérer que si un pouvoir politique parvenait à ça, ce serait un pouvoir totalitaire parce qu’il contrôlerait potentiellement tous les moments de notre vie… Un peu dangereux quoi… 😐

Le système, toujours le système !

En fait, le politique peut tout de même agir. Revenons aux inégalités de salaires.

Ok, on a vu que les traits de personnalité sont, en moyenne, différents chez les hommes des femmes, et que ceux des hommes sont, toujours en moyenne, plus adaptés dans le monde du travail pour gagner plus d’argent. Mais imaginons maintenant un autre « monde » du travail, et plus précisément un autre système de valorisation du travail.

Par exemple, on pourrait imaginer un système qui rémunérerait uniquement en fonction du travail accompli, individuel comme collectif, et par exemple rémunérer les comportements plus « agréables », qui peuvent parfois permettre un meilleur travail d’équipe, une meilleure communication. Ou imaginer un système où le travail accompli par rapport au travail demandé serait le seul critère de rémunération, et pas du tout la place dans la hiérarchie ou la capacité à demander un salaire plus élevé. Ou encore, un système dans lequel les salaires à poste et formation égale dans une entreprise devraient être les mêmes et où les écarts seraient sévèrement punis par la loi (donc il serait inutile de demander des augmentations)…

Et j’ai oublié de parler de la grossesse et de la parentalité ! Car ça, c’est une question de biologie (en tous cas la grossesse et l’allaitement), et n’a rien à voir avec nos comportements appris par la société. Certes cela ne découle pas d’apprentissage, donc rien ne sert de changer l’éducation pour que les hommes soient ceux qui portent, et allaitent les bébés 😉 … mais la manière dont le monde du travail a été organisé pour réagir au fait que la femme doit s’impliquer beaucoup plus que l’homme dans la naissance du bébé (au moins par une incapacité physique de travailler en fin de grossesse) peut réduire, ou au contraire creuser, les inégalités de salaires. Actuellement en France, la carrière des femmes est plus modifiée que celle des hommes lorsqu’ils deviennent parents. L’homme peut en effet choisir de continuer à travailler, et donc de ne pas interrompre sa carrière, alors que c’est beaucoup plus difficile pour la femme. Et cela joue certainement sur les embauches (on préférera embaucher un homme plutôt qu’une femme en âge d’avoir un enfant, à profil égal), sur les postes atteints, et donc sur les salaires. Mais on peut aussi imaginer un monde du travail qui adapte les règles pour réduire les inégalités. Par exemple comme cela se fait en Suède, où les parents doivent poser 480 jours de congé à eux deux, dont au moins 60 pour le père et 60 pour la mère. Dans ce cas, la carrière des deux parents est interrompue au moins deux mois, puis les parents peuvent décider de répartir les jours restants comme ils le souhaitent. Et il a aussi été montré que lorsqu’on incite les deux parents à s’occuper du bébé juste après sa naissance, les deux s’en occupent de manière plus égalitaire tout au long de la croissance de l’enfant.

Dans ces systèmes différents (qui poseraient peut-être d’autres problèmes, mais là n’est pas la question), il se peut que l’inégalité de salaire entre les hommes et les femmes s’annule. Mettre en place ces systèmes serait évidemment un gros changement, mais l’idée, c’est de dire que le système de rémunération actuel favorise certains comportements dits masculins.

On peut alors se dire, comme tout à l’heure, qu’il faut changer l’éducation des hommes et des femmes pour équilibrer les traits de personnalité entre les deux genres et ainsi réduire les inégalités face au salaire. Mais on peut aussi se dire qu’il faut tout simplement adapter le système de rémunération pour reconnaître que les qualités dites féminines ont aussi de la valeur pour l’entreprise et les valoriser, ou pour interdire les écarts de salaire à poste et formation égale, etc. Ou faire les deux.

Et pour changer les règles du jeu dans les entreprises, le politique a tout à fait son mot à dire ! Il peut donc jouer un rôle sur cet aspect, plus que sur le changement global de culture.

Et on pourrait certainement observer que chaque inégalité homme-femme a une origine culturelle (les habitudes partagées par toutes et tous depuis plusieurs siècles), et que cette culture s’est en fait cristallisée dans les institutions qu’on a créées. Dans notre exemple sur les salaires, elles se sont cristallisées dans les entreprises, par un système de rémunération qui favorise les comportements traditionnellement masculins. On peut enfin imaginer que le fait de changer les règles dans les entreprises en revient à traiter un symptôme, mais aussi à faire évoluer les mentalités en parlant du sujet et en en débattant, et, qui sait, à faire tout doucement évoluer la culture !

Je pense maintenant que vous avez les clés pour imaginer à quoi pourrait ressembler un monde sans inégalité de salaire entre les hommes et les femmes, et pour imaginer un chemin qui permette d’y aller !

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