Archives pour la catégorie Énergie

L’énergie, c’est ce qui nous permet de changer le monde (construire des routes, des maisons, nous chauffer, cuire nos aliments, etc, etc, etc… A peu près tout dans nos vies de petits êtres humains). Ces derniers temps, coup de bol, on a beaucoup d’énergie pas chère, ce qui nous permet de changer le monde à moindre frais, ou au moins de le maintenir en (plutôt) bon état. Il est donc important de savoir à quel point nous avons besoin de cette énergie pas chère pour continuer à faire tourner notre monde rond, et vérifier au passage si nous en avons encore beaucoup sous la main. Ce serait ballot qu’on vienne à en manquer, pas vrai ?

C’est quoi l’énergie ??

Cela fait quelques temps que je parle beaucoup d’énergie dans ce blog, mais ô stupeur, je n’ai jamais expliqué ce que c’était ! Damned, zut, flûte, diantre ! :roll: Il est grand temps que je me rattrape… Et, sous la clameur générale, je vais en profiter pour développer un peu, et parler des énergies. Oui, vous savez, le solaire, la géothermie, la biomasse, l’éolien… Un tas de mots qu’on entend dans les journaux, qui comme souvent, font comme si leurs lecteurs étaient déjà des pros de l’énergie. Manque de temps pour traiter les sujets, manque de place pour les développer ? En même temps, on ne peut pas leur demander d’être experts dans tous les sujets qu’ils développent, ces pauvres journalistes ! C’est pourquoi il est important d’avoir quelques bases sur l’énergie, et sur LES énergies, pour suivre leur blabla.

Tu as déjà vu de l’énergie toi ??

Si vous avez quitté le lycée depuis plus de 6 mois, vous avez certainement oublié ce qu’était l’énergie (oui, on est tous pareils 😉 ). Et pourtant, sa définition est simple ! L’énergie, c’est un indicateur que quelque chose change. C’est tout ?? Et oui, j’espère que vous n’êtes pas trop déçus ! Prenez un truc, n’importe quoi, par exemple une carrosserie de voiture. Mettez un compteur d’énergie sur cette carrosserie. Vous allumez le moteur et vous accélérez, la carrosserie se met à avancer par rapport au sol. Les physiciens disent que sa quantité de mouvement (en gros, sa vitesse) change. Que dit notre compteur d’énergie : l’énergie de la carrosserie augmente ! Boum, vous vous prenez un mur et la carrosserie se déforme : une partie de son énergie augmente, car elle a changé de forme. Par contre, une partie de son énergie baisse car elle a perdu de la vitesse. Si votre carrosserie est un peu élastique, elle va reprendre un peu sa forme d’origine après le choc. Elle perd de l’énergie lors de cette transformation.

En creusant un peu, vous vous rendez bien compte que l’énergie, ça n’existe pas en soi. Personne n’a jamais vu « de l’énergie ». Par contre, c’est une création de nos physiciens qui leur est très utile pour parler entre eux et pour faire comprendre aux autres ce qu’ils observent autour d’eux. Un peu comme nos géologues qui ont créé les longitudes et latitudes sur le globe terrestre pour mieux se comprendre entre eux quand ils parlent de différents endroits sur terre. Par contre, personne n’a jamais vu une longitude se balader sur le sol de son jardin ! Donc, l’énergie, ça sert à parler de ce qui change autour de nous. Rien que pour ça, on peut presque ressentir, ou voir l’énergie, car on ressent les changements autour de nous. Par exemple, la sensation de chaleur sur notre peau, ce n’est rien d’autre qu’un changement de vitesse des molécules de notre peau (elles se mettent à s’agiter plus !), et les physiciens traduisent ça par un transfert d’énergie. Tout simplement :) .

On parle souvent de l’énergie comme d’un flux magique, qui passerait d’un objet à un autre (par exemple la chaleur qui passe d’un objet à un autre). Ou alors d’un flux qu’on pourrait aussi stocker (comme l’énergie contenue dans une batterie). En fait, l’énergie peut être stockée, mais aussi être transférée d’un stock à un autre. Dès qu’il y a un transfert d’énergie, c’est qu’il y a un changement. Par exemple, j’ai une bouteille d’un litre de pétrole. Il ne se passe rien. L’énergie est stockée dans le litre de pétrole. J’approche une flamme, la bouteille prend feu. Il y a une transformation (le pétrole brûle), et cette transformation s’accompagne par un transfert de l’énergie stockée, qui va du pétrole vers l’extérieur de la bouteille (c’est ce qu’on perçoit avec la chaleur, la lumière de la flamme, et la transformation des molécules de pétrole en CO2 et en eau).

Ho la belle transformation, avec un transfert d'énergie bien visible ! | By André Karwath aka Aka (Own work)
Ho la belle transformation, avec un transfert d’énergie bien visible ! | By André Karwath aka Aka (Own work)

Le Red Bull, c’est une source d’énergie ?

Assez de théorie, passons au concret, je sens que vous voulez des exemples ! Vous avez tous entendu parler de l’énergie éolienne. C’est l’énergie du vent, qui vient des molécules d’air qui se déplacent. On dit que c’est une source d’énergie, car on est capable de récupérer une partie du déplacement des molécules d’air, pour en faire quelque chose d’utile pour nous. Par exemple, les premières éoliennes s’appelaient des moulins à vent, et permettaient de transformer le déplacement des molécules d’air en mouvement de rotation d’une pierre sur une autre pour pouvoir moudre du grain ! J’insiste sur le fait qu’on parle de source d’énergie uniquement si on sait comment la récupérer. Prenez par exemple la fameuse formule E = mc², qui fait croire à certains qu’on peut récupérer autant d’énergie qu’on veut de n’importe quel objet 😎 . Ba oui, me disent-ils, ton stylo pèse 20 grammes, donc tu peux récupérer… [bruits de calculette]… l’énergie qui permet d’éclairer Nice pendant un an [sourire victorieux] ! Désolé pour les doux rêveurs, mais cette fameuse formule permet seulement de calculer l’énergie « E » qui a été émise lors d’une transformation d’un atome en un autre atome moins lourd que l’atome de départ (autrement dit, une transformation d’une matière en une autre matière moins lourde). Par exemple, elle permet de calculer l’énergie transférée pendant les réactions dans les centrales nucléaires. Par contre, une canette posée sur la table de la cuisine n’est pas une source d’énergie (sauf peut-être si elle contient du RedBull ? 😛 )

L'éolien, une nouvelle technologie qui date de plusieurs siècles... | Campo_de_Criptana_Molinos_de_Viento_1
L’éolien, une nouvelle technologie… qui date de plusieurs siècles 😛 | Campo_de_Criptana_Molinos_de_Viento_1

Justement, parlons de l’énergie du RedBull (la quantité d’énergie qu’il contient est même inscrite en calories sur la canette). Le RedBull est en quelques sortes une source d’énergie, car notre système digestif est capable de transformer les molécules contenues dans la boisson (les sucres notamment) en molécules qui vont pouvoir faire bouger nos muscles en se retransformant. Donc notre corps est capable d’utiliser cette source d’énergie pour faire des choses utiles (par exemple, danser longtemps sur le dance floor en boîte de nuit). C’est donc bien une source d’énergie ! Et c’est la même chose pour tous nos aliments.

LES énergies

Juste en bavardant un peu, on a déjà mis le doigt sur plusieurs types de sources d’énergie : l’éolien, le nucléaire, l’alimentation… Voici une liste de sources d’énergie dont on parle régulièrement dans les médias :

  • L’énergie géothermique : c’est l’énergie qu’on peut récupérer sous forme de chaleur et qui provient des rayonnements des roches dans les profondeurs de la Terre.
  • L’énergie solaire : c’est l’énergie transportée dans les rayons qui proviennent du soleil (et d’autres étoiles autour de la Terre).
  • L’énergie fossile : c’est l’énergie du charbon, du pétrole, et du gaz. On dit qu’elle est fossile, car il s’agit d’êtres vivants qui se sont décomposés il y a plus de 10 millions d’années.
  • L’énergie nucléaire : c’est l’énergie qu’on est capable de récupérer de la transformation des atomes autour de nous (il y a la fission nucléaire, quand les atomes se cassent en plusieurs parties, comme dans les phénomènes de radioactivité ; il y a aussi la fusion nucléaire, lorsque plusieurs atomes se regroupent pour en former un, comme les réactions qui se passent dans les étoiles, et donc dans notre Soleil).
  • L’énergie des vagues : c’est l’énergie contenue dans le mouvement d’ondulation des océans, j’ai nommé : les vagues ! 😛
  • L’énergie marémotrice : c’est l’énergie due au fait que la mer présente des marées, et donc que l’eau monte et descend naturellement.
  • L’énergie hydraulique : c’est l’énergie de l’eau qui tombe depuis une certaine hauteur.
  • L’énergie de la biomasse : c’est l’énergie contenue dans ce qui provient d’êtres vivants « non fossiles » (par exemple, le bois, les algues, le biocarburant, les bouses de vache du Larzac).
  • L’énergie éolienne : on en a déjà parlé, c’est celle du vent.
  • L’énergie des aliments : c’est celle de tous nos aliments, qu’on transforme en mouvements de nos muscles.
  • L’énergie maréthermique : c’est l’énergie qu’on peut récupérer car l’océan est plus ou moins chaud à différents endroits. Et je ne parle pas du petit pipi dans l’eau !
  • L’énergie osmotique : l’eau des océans contient du sel, alors que l’eau des rivières n’en contient pas. Et bien il se crée une force « d’harmonisation » entre les 2 (les deux eaux « veulent » se mélanger) à l’embouchure des rivières. Il est donc possible d’utiliser cette force pour produire de l’énergie.
  • L’énergie hydrolienne : c’est l’énergie des courants marins (c’est comme l’énergie éolienne, sauf que ce sont des molécules d’eau qui se déplacent, pas des molécules d’air).
L'énergie géothermique... Ca donne envie d'en avoir à la maison hein ? |Wikimedia commons
L’énergie géothermique… Ca donne envie d’en avoir à la maison hein ? |Wikimedia commons

Le nucléaire, c’est la vie ?

Le nucléaire… Beurk, me direz-vous, c’est sale !! 😝 Pas de bol, quasiment toutes les énergies que nous utilisons proviennent de près ou de loin du nucléaire !

Râ, le Dieu Soleil

Reprenons l’éolien. Si je vous disais maintenant que l’éolien, c’est juste du solaire sous une autre forme, est-ce que vous trouveriez pourquoi ?

L’éolien, c’est le mouvement des molécules d’air dans l’atmosphère, et ce mouvement est dû aux différences de pressions atmosphériques en différents endroits du globe (s’il y a moins de pression à un endroit, l’air veut y aller, il se déplace, et… c’est du vent !). Ces différences de pression sont simplement dues au fait que le soleil chauffe plus ou moins à certains endroits. Si j’arrête le Soleil pendant plusieurs années, progressivement l’atmosphère s’arrêterait de s’agiter. Le Soleil qui chauffe la Terre, c’est un peu comme le feu sous la casserole pleine d’eau : c’est cela qui met tout en mouvement, et qui fait bouger notre atmosphère et nos océans. Au final, vous vous rendez-compte qu’on peut dire la même chose pour l’énergie éolienne, que pour l’énergie maréthermique, l’énergie des vagues et l’énergie hydrolienne : elles proviennent de l’énergie solaire qui agite notre atmosphère et les océans.

Au passage, l’énergie hydraulique (celle récupérée par les barrages sur les rivières) est basée sur le fait que le Soleil chauffe l’eau et la fait monter dans l’atmosphère sous forme de vapeur, jusqu’à ce qu’il pleuve, et qu’on vienne récupérer cette eau gracieusement remontée par notre gentil Soleil. L’énergie hydraulique est donc aussi issue de l’énergie solaire ! L’énergie osmotique vient aussi du fait que le Soleil évapore l’eau des océans, en y laissant le sel.

Voilà un schéma qui a le mérite de montrer que le soleil fait un peu tout bouger sur notre planète !| www.e-education.psu.edu
Voilà un schéma qui a le mérite de montrer que le soleil fait un peu tout bouger sur notre planète !| www.e-education.psu.edu

Passons à l’énergie de notre nourriture. Par exemple l’énergie contenue dans le blanc de poulet du McChicken® que vous avez dans les mains. Cette énergie vient-elle du solaire aussi ? Non me direz-vous, on peut très bien élever les poulets dans le noir et quand même obtenir de la viande 😕 . Oui, c’est vrai… Par contre, il faut nourrir notre poulet avec du maïs, ou d’autres bons grains, comme le fait certainement McDo®. Les grains, vous le savez déjà certainement, se construisent grâce à la photosynthèse, c’est-à-dire l’utilisation de l’énergie solaire pour fixer le carbone par les plantes. Le maïs est par exemple très fort en photosynthèse, en tout cas plus fort que moi…. Une plante, c’est finalement une sorte de batterie solaire qui récupère de l’énergie solaire et la stocke sous forme de biomasse. Notre poulet se constitue en mangeant cette énergie solaire stockée. Et oui, mon McChicken®, c’est de l’énergie solaire ! 😮

Vous en conclurez facilement que l’énergie des aliments et l’énergie de la biomasse proviennent de l’énergie solaire. On peut aussi dire que les énergies fossiles sont des stocks d’énergie solaire constitués il y a fort longtemps grâce à la vie de l’époque (mais pour être précis sur les énergies fossiles, l’énergie de la Terre a aussi joué, en venant compacter, chauffer, et transformer nos êtres vivants fossiles).

Une technologie de récupération et de stockage conçue par dame nature il y a fort longemps : la photosynthèse ! | "Alnus incana rugosa leaves" by Quadell - inmygarden.
Une technologie de récupération et de stockage de l’énergie solaire conçue par dame nature il y a fort longtemps : la photosynthèse ! | « Alnus incana rugosa leaves » by Quadell – inmygarden.

Geb, le Dieu Terre

Venons-en à l’énergie de la Terre : la géothermie. Cette énergie provient du rayonnement nucléaire des roches radiocatives de la Terre, qui réchauffe les roches alentours. La géothermie, l’énergie des volcans, et l’énergie de la tectonique des plaques, ce sont donc des dérivées de l’énergie nucléaire.

Maintenant, dernière révélation : l’énergie solaire provient en fait de l’énergie nucléaire dégagée par les réactions qui se passent dans le Soleil, où de petits atomes fusionnent en plus gros atomes, en dégageant de l’énergie. Et là, bingo me direz-vous : toutes les énergies proviennent, à l’origine, de l’énergie nucléaire ! Toutes, vraiment ? Non, on n’a pas encore parlé de l’énergie marémotrice… C’est la seule qui n’a pas d’origine nucléaire. Mais d’où vient donc son énergie ? Pourquoi les marées ont-elles lieu ? Parce que le Soleil et la Lune attirent l’eau sur Terre, si bien que l’eau est plus ou moins haute en fonction du placement de la Lune et du Soleil dans la journée. On dit que c’est l’énergie gravitationnelle qui produit les marées. Petit détail amusant : plus on récupère cette énergie vite, plus les distances Terre-Lune et Terre-Soleil vont se réduire vite, puisqu’on vient utiliser de l’énergie gravitationnelle ! :roll:

C’est quoi une énergie renouvelable ?

Je sens que le détail amusant dont je viens de parler vous fait tiquer : si la Lune se rapproche de la Terre quand on prélève l’énergie marémotrice, cela veut dire qu’il arrivera un jour où il faudra arrêter d’utiliser cette énergie, pour ne pas courir à la catastrophe d’une collision entre la Terre et la Lune ! 😕

On dit qu’une énergie est renouvelable quand son stock se renouvelle plus vite que ce qu’on en prélève, ou de manière plus générale quand une source d’énergie est « inépuisable » par une quantité de gens donnée et une durée donnée.

Petit exemple : une forêt est une source de bois (biomasse) renouvelable si pendant qu’on prélève 100 kg de bois, au moins 100 kg de bois ont réussi à pousser ailleurs dans la forêt. Cela veut dire que la population utilise suffisamment peu de bois pour que la forêt lui paraisse inépuisable. Au contraire, les énergies fossiles ne sont pas renouvelables, car on est en train de tout utiliser en quelques siècles, alors qu’il faut au moins 10 millions d’années pour les reformer.

L’éolien, le solaire, l’énergie des vagues, et toutes les énergies qui proviennent du chauffage par le Soleil sont inépuisables dans le temps, car le Soleil va continuer à nous chauffer pendant encore un peu plus de 5 milliards d’années 😎 . Par contre, certaines énergies peuvent être intermittentes…

C’est quoi une énermie intergittente énergie intermittente?

Le solaire et l’éolien sont des flux d’énergie qu’il faut attraper au vol, sinon, dommage ! Ces flux nous parviennent, parfois non, et parfois partiellement. Par exemple, l’énergie solaire nous parvient la journée et d’autant plus s’il fait beau. La nuit, rien. L’éolien est intermittent aussi, mais en plus, l’arrivée du flux (le vent) est difficile à prévoir. L’hydrolien, par contre, n’est pas intermittent, car on connait des courants marins qui circulent en permanence.

C’est qui les cracks maintenant ?

Ce petit tour d’horizon sur les énergies qu’on peut trouver dans la nature, ses sources, ses stocks, et quelques unes de ses caractéristiques, devraient vous permettre de mieux comprendre ce que les journaux vous racontent à ce sujet. C’est aussi une bonne base pour sentir les limitations de chacune de ces sources d’énergie, et pour parler des technologies qui nous permettent d’utiliser ces sources d’énergie. Rendez-vous pour cela dans un prochain article ! :)

Pour les courageux qui veulent aller plus loin, voici un schéma qui résume tout ce que j’ai raconté dans cet article (comme quoi un schéma vaut bien des discours !). Il est issu d’une présentation qui en dit encore plus.

Le Peak Oil [Pykoïl] : n.m. pic pétrolier

Impossible de parler du monde actuel sans parler du fameux pic pétrolier, ou peak oil comme disent les experts et autres gens branchés. Oui, les gens branchés parlent beaucoup du peak oil. Ils débattent de ce sujet comme s’il s’agissait d’un sujet de la plus haute importance. Pourquoi ? Déjà, dans « pic pétrolier » vous reconnaissez le mot « pétrole », qui est un des mots clé pour comprendre notre monde. Le pétrole est une source d’énergie, et l’énergie est LA nourriture de base de notre économie moderne, qui, une fois toute cette énergie digérée, fait quelques rots et pets de pollution, qui viennent titiller notre climat. Et puis il y a le mot « pic »… J’en entends me suggérer que le pic pétrolier est sûrement un petit outil qui permettrait de trouver du pétrole en creusant des trous. Mauvaise réponse, car pour creuser des trous, les machines nous ont remplacé il y a bien longtemps ! 😉

Arrêtons de tourner autour du pot : qu’est-ce que le pic pétrolier ?

Pic pétrolier et pic d’alcoolémie, c’est la même chose ?

Imaginez un cocktail Mojito géant à partager avec vos amis, dans un grand verre plein de glace pilée, de menthe, et de citron. Chacun plante sa paille dans le grand verre, et sirote à son allure. Au début, le verre est plein de liquide alors la glace pilée ne gêne pas trop, et peu de feuilles de menthe viennent boucher votre paille. Le mojito est bon, tout le monde s’amuse, l’ambiance est au beau fixe :) . Et puis arrive un moment où petit à petit, imperceptiblement, l’ambiance se met à se crisper sans que vous sachiez vraiment pourquoi. De plus en plus d’amis commencent à faire du bruit avec leur paille car la glace pilée et les feuilles de menthe se coincent dedans. La discussion s’effiloche… En vous concentrant un peu sur ce qu’il se passe, vous vous rendez compte que ce qui plombe l’ambiance, c’est qu’il est de plus en plus difficile d’aspirer du cocktail !  Et tout le monde s’aperçoit que ce mojito à partager n’était pas si grand que ça… Ça va de pire en pire : voici déjà des amis qui aspirent le fond du verre en plantant leur paille le plus profond possible dans la glace pilée ! On entend des bruits d’aspiration par les pailles, qui font monter plus d’air que de cocktail. Certains essayent même de casser la glace en la touillant ou en enfonçant leur paille dedans par à-coups, histoire de récupérer les dernières gouttes de Mojito… Et puis c’est la fin, tout est bu !

Bon la scène est un peu caricaturée, mais avouez que cela se passerait globalement comme ça 😛 . Maintenant imaginez le scientifique de la bande vous dire qu’il a placé de petits capteurs dans vos pailles pour savoir combien de boisson chacun aspirait à chaque minute (bon ok, un peu bizarre votre pote :roll: ). Que verrait-il ? Sûrement quelque chose comme ça :

Données basées sur ma soirée du week-end dernier. On y voit clairement le pic mojito, localisé par l’étoile.
Données basées sur ma soirée du week-end dernier. On y voit clairement le pic mojito, localisé par l’étoile.

Et voila, vous venez d’assister à un « pic mojito » ! Plus précisément, le pic est situé au moment où le débit de mojito (c’est-à-dire la quantité de mojito aspirée chaque minute) a été le plus grand au cours de la soirée. Vous remarquez que la différence entre avant et après le pic n’est pas qu’il reste ou qu’il ne reste plus de mojito, mais plutôt qu’avant le pic on peut boire autant de mojito qu’on veut, alors qu’après, on ne peut plus en avoir autant qu’on en veut (sauf si on décide d’en vouloir de moins en moins, par exemple parce que la pina colada vient d’être servie et que les gens ne veulent plus de mojito).

Maintenant, remplacez le grand verre de mojito par l’ensemble des réserves naturelles de pétrole sur Terre, remplacez les pailles par des derricks d’exploitation du pétrole, ou par des plates-formes pétrolières sur la mer, remplacez la glace pilée par la roche poreuse dans laquelle on trouve le pétrole, et vous avez une illustration, certes un peu simplifiée, de ce qu’on appelle le pic pétrolier mondial. Remarquez qu’il y a un pic parce qu’on a une quantité donnée de mojito au début de la soirée (un grand verre, pas plus). Si le mojito pouvait se régénérer, alors il n’y aurait pas forcément de pic. Le pétrole qu’on trouve naturellement sur Terre est dans cette situation, puisqu’il faut au moins 10 millions d’années pour que du pétrole se forme sans qu’on ait rien à faire. Et oui, c’est l’une des raisons pour laquelle le pétrole naturel est si intéressant : c’est que personne n’a levé le petit doigt pour qu’il se fabrique. Par contre, ça prend du temps à se fabriquer tout seul…  Donc, à notre petite échelle, la Terre possède un stock de pétrole donné au début de la soirée, pas plus. C’est pour ça que tout le monde sait qu’il va y avoir un pic pétrolier. Là-dessus, les spécialistes sont tous d’accord. Par contre, les gens en débattent tant parce qu’ils ne sont pas d’accord sur le moment du pic, et sur sa hauteur.

Un pic ? Mouais, et alors.. ?

Vous allez me dire, tout le monde se fiche de savoir quand a eu lieu le pic mojito de ma dernière soirée, et tout le monde se fiche de sa hauteur. Alors pourquoi autant de débat sur le pic pétrolier ? On l’a déjà vu, le pétrole est le carburant principal de notre économie. Un coup de mou dans l’économie européenne qui dure plus de 3 ans ? Cherchez l’explication du côté du pétrole 😛 ! Politiquement et socialement parlant, un pic pétrolier demain, ou un pic pétrolier dans 100 ans, ce n’est pas du tout la même chose. Car si le pic arrive demain, cela veut dire qu’il est très tard pour commencer à réfléchir à comment se passer de pétrole « naturel ». Donc une économie non préparée (comme la notre) se mettrait à piquer du nez, avec le pouvoir d’achat et les emplois qui vont avec. Si le pic est dans 100 ans ou plus, on a encore le temps de prévoir cet « après-pétrole » (qui viendra forcément un jour) en perfectionnant d’autres sources d’énergie par exemple.

Alors que disent les « spécialistes » qui débattent sur le pic pétrolier ? En simplifiant, on peut dire que les ingénieurs (surtout ceux qui ont les mains dans le cambouis, c’est-à-dire les ingénieurs qui s’occupent de l’environnement et ceux qui s’occupent de trouver et d’aspirer du pétrole), et de plus en plus d’économistes (ceux qui regardent les gros sous que les gens investissent dans les activités liées au pétrole) pensent que le pic pétrolier est déjà passé en ce qui concerne le pétrole « conventionnel ». Le pétrole conventionnel, c’est celui qui est facile à aller chercher et à aspirer, donc c’est celui qu’on aspire depuis déjà bien longtemps. Un peu comme si lors de ma soirée il y avait le grand verre directement servi sur la table, pratique à boire, mais aussi du mojito servi dans de larges assiettes plates. Evidemment, on commencerait à boire le verre avant d’aller lécher tant bien que mal le mojito sur les assiettes plates. C’est la même chose pour le pétrole.

Champs d'anciens derricks en Azerbaidjan. Et oui, le pic arrive aussi pour chaque puit de pétrole individuel ! | http://kids.britannica.com/
Champs d’anciens derricks en Azerbaidjan. Et oui, le pic arrive aussi pour chaque puit de pétrole individuel ! | http://kids.britannica.com/

Grand show de yoyo pétrolier pour la seconde partie de soirée ! :)

Il se trouve que ce beau pétrole servi dans un grand verre sur la table (le pétrole conventionnel) a déjà passé son pic (pas de bol hein, on a raté le début de soirée !). L’avantage de ce pétrole, c’est qu’il n’est pas cher en soi, puisqu’il faut passer peu de temps à l’aspirer puis à le vendre. Une fois le pic de « pétrole pas cher » franchi, on n’arrive plus à faire sortir autant de pétrole qu’on voudrait pour satisfaire le débit consommé par les gens. Cela crée un écart entre l’offre (qui augmente moins vite qu’avant) et la demande (qui augmente toujours autant) et cela fait grimper les prix du pétrole. Qu’est-ce que cela change pour nous ?

Attention : le passage technique de cet article

Voilà une question un peu technique (à zapper si vous n’avez pas bien dormi la nuit dernière), mais importante pour comprendre ce que notre économie est en train de subir en Europe, et pour comprendre ce que quelques spécialistes prévoient pour la suite. Cette augmentation du prix car on approche du pic de débit de pétrole conventionnel a deux effets :

  • Elle tend à ralentir la demande (les gens ne peuvent plus se permettre d’acheter autant de pétrole que ce qu’ils avaient prévu). Là, cela mène à deux chemins possibles : soit les entreprises trouvent des solutions pour produire ce qu’elles avaient prévu mais en utilisant moins de pétrole que prévu, soit, directement, elles produisent moins que prévu (et chaque produit vaut plus cher). Le premier chemin est le plus séduisant, mais c’est celui qui requiert le plus de temps : il faut modifier la manière de produire certaines pièces, changer des machines, et y réfléchir sérieusement avant d’entreprendre ce changement. Ce qu’on peut dire de manière générale, c’est que l’augmentation du prix du pétrole mène à un affaiblissement de l’économie (on produit moins), mais aussi, un peu plus tard, à un changement de la manière de travailler pour prendre en compte le prix élevé du pétrole.
  • Cela tend à faire accélérer l’offre, car des sources de pétrole bien connues mais difficiles d’accès deviennent rentables à exploiter. C’est le cas des pétroles de schistes ou des sables bitumineux, ou encore du pétrole « off-shore profond », c’est-à-dire du pétrole qu’on extrait profond sous le sol marin. En gros, ce qu’il se passe est que les entreprises pétrolières savent à peu près combien va leur coûter l’extraction de ce pétrole peu accessible (par exemple, 50€/baril), si bien qu’elles attendent que le prix du pétrole soit suffisamment élevé (par exemple, 90€/baril) pour se lancer dans l’extraction (pour récupérer 40€/baril dans notre exemple). Cela prend bien sûr du temps, car il faut creuser de nouveaux puits, donc installer les infrastructures (routes, ponts, derricks, oléoducs, plates-formes pétrolières…) qui le permettent.

Pas forcément très simple à visualiser tout ça… :roll: Ce qu’il faut garder en tête, c’est qu’une grosse augmentation du prix du pétrole mène à un ralentissement de l’économie, et elle pousse à aller chercher du pétrole plus difficile d’accès. Cependant, on voit que l’accélération de l’offre (en allant chercher du pétrole plus difficile d’accès) arrive plus lentement que la décélération de la demande (l’économie qui ralentit). Cela mène au mécanisme suivant, qui nous attend certainement pour les prochaines années :

  • Repartons du début : le pic du pétrole conventionnel est franchi, donc le prix du pétrole augmente (c’est ce qu’il s’est passé en 2008).
  • Les entreprises pétrolières investissent dans de nouveaux puits de pétrole peu accessibles. Pendant ce temps, l’économie ralentit, plus ou moins selon les régions du monde (c’est ce qu’il est arrivé à l’Europe entre 2008 et 2014). Le prix reste élevé.
  • Lorsque les nouveaux puits ouvrent (c’est ce qu’on a appelé aux U.S. la « révolution du pétrole de schiste »), l’offre augmente alors que l’économie a ralenti. Cela crée un écart entre l’offre et la demande, si bien que le prix du pétrole chute (fin 2014).
  • Les entreprises pétrolières arrêtent d’exploiter leurs puits de pétrole non-conventionnel, qui ne sont plus rentables lorsque les prix sont bas. Pendant ce temps, l’économie repart.
  • Lorsque l’économie produit à nouveau trop par rapport aux sources de pétroles disponibles à ce bas prix, un nouvel écart offre-demande apparaît, et on se retrouve au point 1 pour un nouveau tour de manège.
Illustration de la production en haut), et du prix en bas) du pétrole | www.manicore.com
Illustration de la production en (haut), et du prix (en bas) du pétrole. Ca yoyotte à fond ! | www.manicore.com

Pic subi, ou pic choisi ?

Au final, vu de loin, on n’aura pas un beau pic pétrolier bien pointu, mais plutôt une montée, suivie d’un plateau, les deux étant en tôle ondulée parce que la production oscillera en fonction du prix du pétrole : une plus forte production lorsque le prix sera élevé, et une production plus faible lorsque le prix sera plus bas. Et remarquez que le prix « bas » de ce plateau oscillant sera toujours plus élevé que le prix du pétrole conventionnel qu’on connaissait avant 2003. Ca, tout le monde est d’accord pour le dire : fini le pétrole pas cher ! :roll:

Et puis il y a bien sûr des gens plus optimistes (pour la plupart, des économistes) qui pensent que nous ne subirons pas le pic pétrolier (le pic total, c’est-à-dire celui du pétrole conventionnel + les autres sources de pétrole « non conventionnel »), car ce pic est suffisamment loin de nous. Ainsi, nous aurons le temps de transformer notre monde pétrolier en monde sans pétrole. Ils pensent par exemple que les lois du marché nous mèneront tout naturellement à choisir les énergies renouvelables qui ne seront plus chères du tout lorsque le prix du pétrole sera trop cher :) . Ils pensent donc que les industries pétrolières ne pourront même plus exploiter le pétrole difficile d’accès : il sera trop cher par rapport aux énergies renouvelables. Bref, d’après eux le plateau en tôle ondulée ne durera pas car on n’aura progressivement plus besoin de pétrole.

Alors qui a raison ? Cet article est déjà trop long pour en parler, mais la réponse se trouve en partie dans notre connaissance actuelle des sources d’énergie alternatives au pétrole. Autrement dit, est-on sur la bonne voie en termes de fonctionnement de l’économie et en termes de nouvelles technologies pour éviter de se prendre le pic en pleine face ?

Les carottes au Venezuela, ou comment le prix du pétrole a chuté

Vous en avez sûrement entendu parler à la télé, le prix du pétrole fait n’importe quoi en ce moment. Il était bien tranquillement au sommet de la montagne depuis plus de 3 ans, et là il se lâche. Un vrai saut à l’élastique, une chute vertigineuse de 100$ à 50$ en 6 mois 😯 . Tout le monde est content bien sûr. Les américains se remettent à acheter de grosses voitures qui consomment à fond 😎 . La Chine fait des stocks de pétrole pour pouvoir tenir 100 jours coupée du monde (ça ne représente pas grand-chose rassurez-vous, juste 680 millions de barils. En gros, c’est comme si on plongeait entièrement la ville de Lyon sous 2 m de pétrole). Grâce à la baisse du prix du pétrole, l’Europe va peut-être même retrouver ses supers pouvoirs et la croissance revenir magiquement !

Le prix du pétrole fait du saut à l'élastique, et ça crée des sensations ! | http://prixdubaril.com/
Le prix du pétrole (ici en $) fait du saut à l’élastique, et ça crée des sensations ! | http://prixdubaril.com/

Tout le monde est content ? Vraiment ? Hé non, il y a évidemment des ronchons, comme toujours lorsqu’une bonne nouvelle est annoncée. Les pays qui vendent du pétrole, par exemple, se plaignent. Forcément, avant ils nous vendaient leur pétrole à 100$ le baril alors que maintenant il n’est plus qu’à 50$ ! Dur dur pour les pays dont le pétrole représente une source d’argent (une rente) importante. Les spécialistes en géopolitique s’amusent à deviner lequel de ces pays est le plus en difficulté face à cette chute du prix. Ce qu’ils regardent en particulier, c’est le prix du baril sur lequel les gouvernements ont prévu leur budget. Au moment de calculer leur budget, les gouvernements exportateurs de pétrole ont prévu qu’ils gagneraient beaucoup de sous grâce au prix élevé du baril. Sauf qu’en cours de route le prix chute et leur budget devient tout faux. Ils gagnent deux fois moins de sous que prévu, hum, comment dire… oups la petite erreur ! :roll: Résultat, ils doivent s’endetter encore plus que d’habitude pour pouvoir continuer à mener leur politique. Citons quelques exemples :

  • la Russie avait prévu un baril aux alentours de 100$. Et pas de bol pour la Russie, sa rente pétrolière représente presque la moitié de l’argent reçu par le gouvernement (c’est-à-dire que le gouvernement russe gagne la moitié de son argent grâce à la vente du pétrole)… Vous avez peut-être entendu parler de la chute du Rouble, la monnaie locale. Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre cette chute surprise et la chute du prix du pétrole ? Et bien vous comprenez que si le Rouble valait 0,03$ en juin (1$ valait 33,33Rb), quand je vendais mon baril à 100$, je recevais 3333 Rb. Aujourd’hui, le baril ne vaut plus que 50$, mais le rouble ne vaut plus que 0,015$. Donc en tant que russe, je reçois… toujours 3333 Rb ! 😎 Cette coïncidence n’explique par pourquoi le Rouble a chuté en même temps que le prix du pétrole ; ceci pourrait faire l’objet d’un petit article bonus.
    Hum, il y a comme une légère ressemblance entre le cours du Rouble par rapport au dollar et le cours du prix du pétrole... Y aurait-il un lien ?
    Hum, il y a comme une légère ressemblance entre le cours du Rouble par rapport au dollar, représenté par cette courbe, et le cours du prix du pétrole… Y aurait-il un lien ?

    Bon vous vous doutez bien que pour la vie de tous les jours ce changement de la valeur du Rouble mène à d’autres complications. Autant permet-il de gonfler les prix de ce que le pays exporte, autant cela marche exactement dans l’autre sens quand il importe des produits. Par exemple, le prix de l’iPhone en Russie a doublé pendant la même période. Beaucoup de russes sont d’ailleurs allés chez IKEA refaire le plein de meubles en voyant que les prix des produits étrangers allaient continuer d’augmenter, et donc que leur argent perdait de la valeur ! C’est un bel exemple d’inflation, et les russes y ont réagi en convertissant leur argent en biens matériels durables (voitures, meubles, qui conservent leur valeur quelques années) ! Voici un mini reportage belge sur le sujet.

  • Passons au Venezuela, un autre pays exportateur de pétrole. Le Venezuela a prévu, pour avoir un budget équilibré, un prix du baril supérieur à 100$ (certains disent que son budget serait équilibré pour un baril à 120$ !). Le gouvernement est tellement dépendant des ventes de son pétrole (c’est 45% du budget de l’Etat) qu’il va être très difficile pour lui de payer ses dettes. Dans ce pays qui a officiellement les plus grandes réserves de pétrole au monde (la classe !), le prix de l’essence à la pompe était le plus bas au monde (environ 2 centimes€/L !!) grâce aux subventions du gouvernement. Mais tout cela est terminé, car le gouvernement a décidé de réduire ces subventions. Et concernant les biens importés, on observe le même effet qu’en Russie, mais en bien pire. L’iPhone est passé à… plus de 11 000$ 😯 et le kilo de carottes à presque 20$.
    Quelques carottes au prix vénézuélien... Sans commentaire :s | http://widerimage.reuters.com/
    Quelques carottes au prix vénézuélien… Sans commentaire :s | http://widerimage.reuters.com/

    Certains produits sont très difficilement importés, alors les habitants sont rationnés et font la queue des heures et des heures pour avoir du papier toilette ou du dentifrice. Je paye moins cher à la pompe, la conséquence est qu’à l’autre bout du monde des gens manquent de papier toilette : c’est la magie de notre monde mondialisé ! 😕

  • On peut parler de l’Arabie Saoudite, qui fait elle aussi des pertes par rapport à son budget prévu. Mais à l’inverse des deux exemples précédents, l’Arabie a suffisamment d’argent en stock pour tenir ce régime mincissant pendant au moins 3 ans. Donc tout baigne (dans le pétrole) pour elle !

Vous le voyez, le prix du pétrole fait toujours des heureux et des moins heureux ! Mais je sens que plusieurs questions vous brûlent les lèvres : pourquoi le prix du pétrole a-t-il soudainement baissé comme ça ? Que disent les spécialistes sur la suite des événements ? Les prix resteront-ils si bas pendant encore longtemps ? On verra dans un prochain article les liens entre la croissance et le prix du pétrole, ce qui est important pour comprendre ce qu’il se passe, et donc pour essayer de prévoir ce que le futur nous réserve ! 😉

Just do it… Tant que le pétrole n’est pas trop cher !

C’est bien connu, dans notre monde, et à notre époque, plus rien n’est impossible. D’ailleurs, les plus grandes entreprises du monde sont d’accord avec moi. « Just do it ! », nous dit Nike. Traduisez : « Hé, si t’as envie de faire quelque chose, arrête de réfléchir et fais-le ! ». Et comme je ne suis pas bête, je comprends que tout est possible, puisqu’il suffit que j’en ai envie pour pouvoir réaliser toutes les choses. En définitive ma seule limite est mon imagination ! Adidas disait même directement : « Impossible is nothing », c’est-à-dire : « l’impossible n’est pas grand-chose pour toi, porteur de chaussures Adidas ! ». Bref, notre société et notre système économique font tout pour nous faire croire que toutes nos envies sont réalisables (surtout si on achète les chaussures Adidas). Et nous forcément, on y croit ! Parce que c’est beau de rêver, ça fait du bien de se croire tout puissant. Par contre, quand on enfile enfin les fameuses chaussures Adidas, il ne se passe pas grand-chose de plus qu’avec d’autres chaussures… Quand j’achète la nouvelle SEAT, avec son slogan « auto emocion » (« Waou, ressens plein de trucs fous avec notre voiture SEAT ! »), je ressens une super vitesse que je ne ressens pas avec mes chaussures Adidas. D’ailleurs je peux carrément dire qu’avec mes chaussures Adidas, il m’est impossible de promener mon chien à pieds à 60km/h (et heureusement pour lui, sauf si je lui ai aussi acheté les mêmes chaussures !). Avec ma SEAT, je peux promener mon chien à 60km/h, il suffit que je le prenne avec moi dans la voiture 😉 .

Un monde où tout est possible : le rêve quoi !

Alors comment se fait-il qu’on nous dise à longueur de journée que tout est possible, alors qu’il est par exemple impossible de courir à 60km/h avec des chaussures Adidas ? (Si vous y arrivez, envoyez-moi votre vidéo ! Je la posterai sans faute dans cet article, et c’est la gloire assurée !) Il faut bien sûr se rappeler de notre petite histoire de l’énergie. Cela fait plus de 150 ans que notre monde change de plus en plus vite. On pense souvent à la technologie et à l’innovation pour expliquer le progrès, mais on a vu que les inventions étaient « juste » de supers idées pour réussir à utiliser de l’énergie de la bonne manière. Par exemple, un vélo est une invention qui consiste à utiliser l’énergie de nos muscles pour nous faire aller de chez nous jusqu’à chez nos amis avec peu d’efforts, et plus vite qu’avec les chaussures Adidas. Un ordinateur est une invention qui nous permet d’utiliser l’électricité pour nous rendre des « services » variés. Si on regarde l’ensemble des inventions, on voit qu’elles nous servent à utiliser le moins possible nos petits muscles, parce que les pauvres sont beaucoup moins efficaces que les autres sources d’énergies ! Dès que possible, on remplace les gens par des machines, qui utilisent des énergies beaucoup plus « concentrées » que celle de nos muscles, et on dit « Waouh, c’est beau le progrès ! »

Super Dupont n’a besoin que de l’énergie de ses muscles, mais c’est parce que c’est super Dupont | blog.lefigaro.fr

Un rêve des années 70

Alors oui, avec toute cette énergie disponible, et les innovations qui nous permettent d’utiliser cette énergie de mieux en mieux, on est capable de faire de plus en plus de choses. Et il se trouve que nos parents, ceux qui on vécu pendant les trente glorieuses (1945-1973, et d’ailleurs c’est le cas de beaucoup de nos hommes politiques), ont connu cette époque magique où le progrès améliorait la vie de presque tout le monde, et vraiment au jour le jour. Nous, on a un peu connu ça aussi avec Internet, les réseaux sociaux, les smartphones, ou l’avion pas cher, mais dans une moindre mesure. Mes parents ont connus les premiers (et derniers) hommes sur la Lune, alors que moi je n’ai jamais vu en direct un homme marcher sur la Lune. Bref, l’époque de nos parents a été mythique, et cela a développé une culture du « la technologie nous permettra de tout faire, de tout maîtriser, et de rendre tout le monde heureux ». En gros, à cette époque on se disait que technologie = bonheur universel. C’est peut-être pour ça que nos hommes politiques et nos économistes pensent sincèrement que pour résoudre tous nos problèmes, il faut de la recherche, de l’innovation, de la technologie, et relancer notre économie. Pas tellement besoin de réfléchir à la politique, il « suffit » de relancer l’économie et de laisser faire les entreprises pour rendre les gens heureux !

Voilà une photo qui a fait rêver beaucoup de gens ! Mais ça, c'était avant...
Voilà une photo qui a fait rêver beaucoup de gens ! Mais ça, c’était avant… | www.canalacademie.com

Mais.. ?

Cependant, on voit que tous les efforts des professionnels (nos chers hommes politiques) pour relancer l’économie, favoriser l’industrie, l’innovation, etc, ne marchent pas vraiment. On est en pleine « crise », le chômage augmente et nos niveaux de vie n’augmentent plus. D’ailleurs les syndicats de nos entreprise passent leur temps à expliquer qu’on régresse sans cesse, qu’on perd du pouvoir d’achat, et que ça ne va pas du tout. Alors est-ce que la technologie est en cause ? Et bien souvenons-nous que le progrès, c’est l’association de l’énergie avec la technologie. Avec de moins en moins d’énergie, je vais avoir de plus en plus de mal à avoir du progrès ! Du point de vue de notre ressenti individuel, le niveau de vie, c’est plus précisément la quantité d’énergie et de technologie par personne. Et ça nos hommes politiques et nos économistes l’oublient presque toujours, puisqu’ils ont vécus à des périodes où il n’y avait pas de problèmes de quantité d’énergie. Seule la technologie compte à leurs yeux. Alors ils veulent favoriser son développement, mais c’est oublier que sans énergie la technologie ne peut pas grand chose

Encore cette sacrée énergie !

Bon, venons-en aux faits : se pourrait-il qu’on ait de légers problèmes avec l’énergie en ce moment en Europe, ce vieux continent en crise ? Allons de ce pas chercher quelques infos, et que trouve-t-on ?

La consommation de pétrole en Europe... Se casse la figure depuis 2006 !
La consommation de pétrole en Europe… se casse la figure depuis 2006 ! | http://www.tsp-data-portal.org/

Hé oui, depuis 2006, on consomme de moins en moins de pétrole en Europe ! Est-ce que c’est parce qu’on est devenu écolo ? 😛 Est-ce que c’est parce que nos voitures consomment de moins en moins ? Ou est-ce que c’est parce que, mon bon monsieur Michou, le pétrole était bien trop cher jusqu’à fin 2014, alors on consommait chacun un peu moins ? On peut trouver des tableaux dans des rapports un peu barbares sur Internet qui montrent que grosso modo, depuis les années 70, les voitures consomment de moins en moins, et ça, ça ne change pas spécialement depuis 2006. Idem pour les camions. Ce n’est donc pas ça qui a chamboulé soudainement notre consommation de pétrole.

On trouve aussi cette autre courbe barbare qui montre ce que je racontais à Monsieur Michou : le prix du pétrole s’est mis à grimper méchamment à partir de 2004. Et de plus en plus de spécialistes sont d’accord là-dessus : c’est bien le prix du pétrole qui a semé la pagaille dans notre économie.

Houla, il grimpe, il grimpe , le prix du pétrole, depuis 2004 !
Houla, il grimpe, il grimpe , le prix du pétrole, depuis 2004 ! On voit aussi sur ce beau graphique la crise de 2008, et la chute du prix du pétrole fin 2014 | http://prixdubaril.com/

Nos rêves ont un prix : celui de l’or noir !

Résumons un peu : le prix du pétrole est monté en flèche à partir de 2004, si bien que nous nous sommes mis à en consommer moins à partir de 2006. Dès 2006, nous avions donc chacun un peu moins du « super pouvoir » de se déplacer, étant donné que le pétrole est l’énergie principale du déplacement. Et 2 ans plus tard c’est la crise « financière », crise qui dure encore… Je sens que vous avez envie de me poser deux questions : En quoi le prix du pétrole compterait-il plus que le prix du gaz, ou du charbon (ce sont aussi des énergies, qui permettent donc de faire du travail !) ? Et pourquoi le prix du pétrole s’est-il mis à augmenter comme ça comme un fou ? (et en question bonus, pourquoi il se met à chuter tout aussi vite en ce moment ? :roll: )

Je ne vais répondre qu’à la première question dans cet article, parce que les 2 autres questions méritent bien un article pour elles toutes seules (oui ce sont mes deux petites chouchoutes 😉 ). Ce qu’on a vu avec le pétrole, c’est que c’est l’énergie qui est la plus facile à transporter, et c’est aussi celle à partir de laquelle on sait faire le plus de choses : faire rouler des voitures, des camions, produire de l’électricité, ou chauffer les maisons. Bref, trop utile le pétrole ! Et il se trouve que notre économie est très particulière dans le sens où elle a vraiment besoin de transports pour fonctionner. Si on enlève les camions demain, et bien on ne peut même plus manger, c’est dire ! Tout simplement parce qu’on a besoin de camions pour emmener notre nourriture dans les magasins. Et l’industrie est pareille : les usines ont sans arrêt besoin de pièces et de matières premières pour fonctionner, et tout transite par camion parfois par delà les continents. Lorsque le prix des trajets en camion augmente beaucoup par rapport au pouvoir d’achat des entreprises, ça fait rouiller tout ce beau système. Comme on n’a aucun moyen pour le moment de remplacer le pétrole dans les transports routiers, le prix du pétrole joue énormément dans l’économie !

Un monde où tout est possible, même d'aller plus vite à pieds (sans Adidas) qu'en SEAT ! Youpi !
Un monde où tout est possible, même d’aller plus vite à pieds (sans Adidas) qu’en SEAT ! Youpi ! |www.roissymail.com

Revenons à notre idée initiale : rien n’est impossible, « qui veut peut » !! Et bien en fait, on peut faire d’autant plus de choses qu’on a beaucoup d’énergie. C’est plutôt : « Qui veut et a assez d’énergie, peut ». Dans notre monde qui dépend beaucoup du pétrole, on peut presque dire que plus le pétrole est cher, moins on peut s’en payer, et plus il y a de choses impossibles ! Remarquez que l’Europe est particulièrement dans une mauvaise situation, car elle ne produit pas beaucoup de pétrole, et donc elle doit en acheter beaucoup à l’extérieur (à la Russie et à l’Arabie Saoudite). Elle est donc dépendante de ce que veulent bien lui laisser les pays producteurs et les autres pays qui en importent chez eux. Dans les pays producteurs de pétrole, au contraire, la crise n’a pas duré très longtemps. Par exemple aux Etats-Unis, la croissance est repartie plein pot deux ans après la crise, notamment grâce à leur pétrole de schiste : et les USA peuvent continuer à rêver de « Just do it » et de « Impossible is nothing » ! 😉

Grâce à quelles énergies le monde d’aujourd’hui change-t-il ?

Les mines de charbon, c’est vraiment du passé ? (Je ne trouve que des photos en noir et blanc)

On a vu à quel point les énergies fossiles ont été importantes dans la construction de notre monde, monde appelé « moderne » justement depuis qu’on sait utiliser efficacement ces énergies. Le « progrès » a commencé avec le charbon en Angleterre, puis il s’est rapidement propagé en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, avec l’utilisation du gaz, du pétrole et (toujours !) du charbon. Mais quand on entend parler du charbon en France, on se dit que ça fait parti du passé. C’est vrai, notre dernière mine de charbon a fermé il y a fort longtemps, en 1988 ! Et il est aussi vrai qu’on n’importe quasiment pas de charbon en France. C’est donc de l’histoire ancienne chez nous… Alors sur quelle énergie repose le progrès de nos jours ? A-t-on réussi à se passer du charbon ? Et des énergies fossiles en général ?

Des mineurs du Nord-Pas de Calais, à l'époque où la France exploitait encore le charbon | http://www.nordmag.com/
Des mineurs du Nord-Pas de Calais, à l’époque où la France exploitait encore le charbon | http://www.nordmag.com/

Commençons par mettre les pieds dans le plat en disant que dans beaucoup d’autres pays, le charbon n’est pas du tout de l’histoire ancienne, c’est même plutôt de l’histoire très moderne. On parle par exemple souvent de la Chine, qui pollue comme jamais elle ne l’a fait, à cause de ses centrales à charbon.

En quelques mots, une centrale à charbon c’est un peu comme une cocotte-minute géante chauffée… au charbon. Et souvenez-vous, sur vos cocottes-minute se trouve un petit élément qui tourne quand la vapeur s’échappe de la cocotte. Et bien pour une centrale, cet élément qui tourne n’est rien d’autre qu’une dynamo qui produit de l’électricité. En bref, une centrale à charbon permet de transformer du charbon en électricité (et au passage, cela émet beaucoup de CO2 et de particules nocives pour les poumons, que les chinois respirent à longueur de journée). Et remarquez qu’avec ce système de cocotte-minute à dynamo, on peut aussi utiliser du pétrole, du gaz, du bois, de l’uranium, ou tout autre chose qui chauffe, pour produire de l’électricité.

La Chine : un mauvais élève ?

Revenons à nos moutons, comment la Chine en est-elle arrivée en quelques années à être l’un des pays les plus pollueurs du monde ? La Chine a économiquement ouvert ses frontières en 1978, suite à la mort de Mao Zedong, et c’est à partir de là que le pays a commencé à se développer à grande vitesse. Sans trop caricaturer, on peut dire qu’en quelques années la Chine a suivi le même développement que l’Europe l’a fait en 150 ans. La grande majorité de la population était rurale, et se retrouve aujourd’hui dans les usines. L’industrie tourne au charbon, l’électricité est produite au charbon. Pour avoir une idée de la taille de ce phénomène, sachez que pendant la seule année 2013, la Chine a installé une capacité à produire de l’électricité au charbon presqu’aussi grande que la capacité totale des centrales nucléaires françaises (environ 400 TWh, pour les connaisseurs) ! 😯

Pékin par beau temps, ahh ce bon air frais ! | http://www.citylab.com/
Pékin par beau temps, ahh ce bon air frais ! | http://www.citylab.com/
Et les autres pays alors ?

On pourrait se dire que la Chine va se moderniser encore plus et donc arrêter d’utiliser du charbon. En fait l’idée que le charbon n’est pas moderne est une idée fausse qu’on a en France. Chaque pays utilise l’énergie qu’il peut utiliser le plus « facilement » possible. Quand je parle de facilité, je parle sans le dire d’argent (ou plus précisément de « rentabilité économique »). Oui, c’est l’argent qui définit en grande partie ce qui est facile ou non (c’est-à-dire pas cher ou cher) pour un pays, et donc ce qui est bon ou non pour ce pays. En Chine, il y a énormément de charbon facile d’accès (c’est-à-dire peu cher pour eux), et tant que cela sera le cas, la Chine continuera à l’utiliser en priorité.

En France, lorsque nos mines de charbon n’ont plus été suffisantes pour produire l’énergie nécessaire pour la croissance désirée pour notre pays, après la seconde guerre mondiale, il a été décidé de construire des centrales nucléaires (qui ont effectivement vu le jour dans les années 1960). Cela s’est fait comme ça car on sentait que produire de l’électricité serait plus cher, et moins sûr, en faisant venir du charbon d’un autre pays plutôt que de faire venir de l’uranium. Pour tout dire, l’utilisation du nucléaire à base d’uranium était aussi un choix stratégique, car la France importait déjà de l’uranium pour fabriquer des bombes.

La Pologne, de son côté, a suffisamment de charbon sur son territoire, si bien qu’elle a toujours utilisé cette énergie pour produire son électricité. Ainsi, là-bas, prendre le train pollue plus que prendre le bus, car l’électricité qui permet au train de rouler est produite avec du charbon, ce qui, au total, pollue plus que le pétrole qui fait rouler le bus. De même, dans ce pays, la voiture électrique pollue plus que la voiture à pétrole 😯 .

La centrale au charbon de Bełchatów en Pologne | Wikipédia
La centrale au charbon de Bełchatów (avec un nom pareil, c’est forcément en Pologne) | Wikipédia

Quant à l’Allemagne, elle a elle-aussi toujours conservé le charbon, abondant chez elle, tout en développant un peu de nucléaire. Suite au tsunami sur la centrale de Fukushima, une décision politique a été prise d’arrêter rapidement le nucléaire en Allemagne. Pour compenser cette énergie en moins, l’Allemagne a développé les énergies renouvelables, principalement le photovoltaïque et l’éolien, mais a aussi ouvert de nouvelles centrales au charbon et au gaz (je reviendrai dans un prochain article sur ces fameuses énergies renouvelables, leurs forces et leurs faiblesses).

Comment les pays choisissent-ils leur énergie ?

En résumé, la manière dont les pays choisissent quelles énergies ils vont utiliser dépend de ce que cela va leur coûter, en fonction de ce qu’ils ont déjà chez eux, et en fonction du prix que leur fera payer le pays auquel ils achèteront l’énergie manquante. Sur ce dernier point, le prix, cela se complique. Le prix dépend de si le pays qui nous vend l’énergie est notre ami, mais aussi de la quantité de cette énergie que veulent les autres pays par rapport à la quantité qu’on est capable de produire dans le monde. Par exemple, la quantité de pétrole qu’a pu obtenir l’Europe baisse depuis 2006, car la Chine, l’Inde, et les autres pays qui se développent rapidement en prennent une part de plus en plus grande 😕 . Enfin, les choix énergétiques d’un pays dépendent aussi, mais de plus en plus rarement, de décisions politiques en fonction de ce que les gens pensent dans le pays (comme en Allemagne, où la population a considéré que le nucléaire était moins bon pour la société que les énergies mises en place pour le remplacer)  ou des intérêts stratégiques du pays (comme le nucléaire en France et aux Etats-Unis, historiquement lié à la bombe atomique).

Encore faut-il avoir le choix de l’énergie qu’on utilise ! Toutes les sources d’énergie ne sont pas équivalentes et ne s’utilisent pas de la même manière. En décrivant l’histoire de la révolution industrielle, on a déjà vu que le charbon ne pouvait pas être utilisé dans de petits moteurs mobiles comme ceux des voitures. Ces dernières se sont développés grâce au pétrole et au gaz. Donc pas de charbon pour faire rouler les voitures ! Ni pour faire voler les avions d’ailleurs. Les pays qui ont du charbon le réservent pour produire de l’électricité, tandis que les pays qui n’ont que du pétrole font rouler leur voiture au pétrole, et en utilisent aussi pour produire de l’électricité (c’est le cas de l’Arabie Saoudite). L’utilisation qu’on veut faire de l’énergie est donc importante dans le choix de l’énergie qu’on achète : avec du pétrole je peux quasiment tout faire, alors qu’avec du charbon je ne peux guère que faire de l’électricité (ou produire de l’acier, mais cela ne fait pas parti des énergies).

Une autre contrainte qui intervient dans le choix des énergies, c’est la facilité qu’on a à les transporter. Le pétrole se transporte facilement par giga-bateaux (les « supertankers »), ou par pipeline. C’est donc une énergie internationale, puisqu’il circule aussi bien sur terre que sur mer. Ainsi, la France achète son pétrole aussi bien à l’Afrique qu’à la Russie, ou qu’au Moyen-Orient. Le gaz est moins pratique à transporter : autant le transport est assez facile par pipeline (qu’on appelle un « gazoduc » pour le gaz), autant par bateau c’est plus compliqué, car il faut liquéfier le gaz (qu’on appelle alors du GNL, Gaz Naturel Liquéfié) pour que le bateau puisse en transporter assez (le gaz prend trop de place à l’état gazeux). Le gaz est donc plus « régional ». Par exemple, celui acheté par la France vient principalement de la mer du Nord, de la Russie, et de la Hollande, mais pas des États-Unis. Quant au charbon, il se transporte beaucoup moins, car il est moins dense en énergie, et ne circule pas facilement sur terre (et non, on n’a pas encore inventé le pipeline à charbon), si bien qu’on préfère transporter le gaz et le pétrole plutôt que le charbon. Depuis la fermeture des mines en France, notre pays n’utilise presque plus de charbon. Pour les plus motivés (et c’est en anglais), voici un schéma qui résume comment sont utilisées les différentes énergies aux Etats-Unis (mais cela illustre bien comment on utilise les énergies dans le monde).

Un cadeau surprise pour le premier qui trouve le supertanker dans cette image !
Un cadeau surprise pour le premier qui trouve le supertanker dans cette image !

Ça donne quoi au niveau mondial ?

Tout cela ne nous dit pas quel est le bilan au niveau mondial. Qui va gagner entre le Vieux Roi Charbonium, Pétrolosaurus Rex, Atomic Man et Gazy L’Impératrice ? Roulement de tambour, tadaaa :

Consommation mondiale d'énergie, répartie en type d'énergie primaire : énergies fossiles en force !! | http://www.tsp-data-portal.org/
Consommation mondiale d’énergie primaire. En rouge le pétrole, en gris le charbon, en vert le gaz, en jaune le nucléaire, et le reste représente les renouvelables. Energies fossiles en force !! | http://www.tsp-data-portal.org/

Est-ce une surprise ? On s’aperçoit que le pétrole, le charbon, et le gaz, sont loin devant tous les autres énergies : loin devant le nucléaire (Atomic Man est battu à plate couture), et aussi devant toutes les énergies renouvelables dont on nous parle tant dans les journaux !

Pourquoi parle-t-on tant des énergies renouvelables et du nucléaire alors qu’en vérité ils ne représentent rien ?

Il faut que ça bouge pour qu’on en parle !

Mon interprétation serait qu’on parle du nucléaire et des énergies renouvelables car il y a du mouvement à leur sujet, ça bouge : suite à Fukushima, l’Allemagne a subitement décidé d’arrêter le nucléaire, alors on en parle et on se demande s’il faudrait faire pareil en France. Quant aux énergies renouvelables, on en entend parler car l’Europe veut en mettre le plus possible dans sa production d’électricité. On voit par conséquent que certains pays européens (dont la France) mettent des éoliennes alors qu’avant ils n’en avaient pas. Bref, on parle de ce qui change, de ce qui bouge, et de ce qui est proche de nous. Parler de ce qui existe déjà, ce n’est pas une « nouvelle », donc ça passe mal au JT ou dans les journaux (la famine en Afrique, c’est important, mais ce n’est pas nouveau, contrairement à Nabilla qui poignarde son copain). Et parler de ce qui est loin de nous, ça ne fait pas d’audimat, car les gens s’intéressent surtout, et c’est humain, à ce qui peut leur servir directement dans la vie (un dangereux tueur en Argentine ne fait pas le même effet dans les journaux que le même tueur à Paris ! Et Nabilla, ou le foot, ça fait de très bons sujets de conversations avec les copains 😉 ).

C’est un sujet tellement important que ça fait peur !

Mais au final, si on va un peu plus loin, on s’aperçoit que personne ne parle du pétrole peut-être aussi parce qu’il reste irremplaçable dans les transports (il y a bien sûr les voitures électriques, mais elles sont encore trop chères pour pouvoir remplacer les voitures au pétrole. On parlera aussi plus tard d’autres problèmes sérieux concernant la voiture électrique, qui laissent penser que l’électricité ne remplacera pas le pétrole facilement), et donc rien ne change à son sujet : tout le monde en consomme toujours autant et en a toujours autant besoin. Seul son prix varie, et c’est de cela qu’on parle un peu au sujet du pétrole.

Personne ne parle du charbon non plus car il n’y en a plus chez nous et ça, ça ne change pas. On en entend parfois parler avec la pollution en Chine, ou l’arrêt du nucléaire en Allemagne, mais c’est assez loin de nous, alors ça ne va pas plus loin. Et enfin, on parle très peu du gaz, malgré la relation entre l’Europe et la Russie, qui repose en grande partie sur le gaz que l’Europe achète à la Russie.

Le sujet des énergies fossiles est tellement important d’un point de vue géopolitique que c’en est un sujet très sensible et délicat à traiter. Et oui, ces énergies représentent plus de 90% de l’énergie consommée dans le monde, et on sent bien que la bonne santé de l’économie, et donc de nos emplois et de notre pouvoir d’achat en dépend grandement ! Les informations à ce sujet peuvent donc être de mauvaises nouvelles pour notre économie, ce dont les grands journaux n’aiment pas trop parler. Avez-vous entendu parler de ce contrat d’achat de gaz par la Chine à la Russie, d’une valeur de 400 milliards de dollars, pour les 30 prochaines années ? 😯 C’est une information très importante, mais aussi très délicate à traiter, car elle concerne notre relation avec la Russie et notre consommation de gaz à tous.

Et oui la Russie fournit 44% de notre gaz européen, vaudrait mieux pas que Poutine ferme le robinet !
Et oui la Russie fournit 44% de notre gaz européen, vaudrait mieux pas que Poutine ferme le robinet ! | http://euromaidanpress.com/

L’utilisation de l’énergie dans le monde est toujours essentiellement basée sur les énergies fossiles, comme au début de la révolution industrielle. On en parle peu, on n’en débat pas, car on a l’impression que le sujet des énergies fossiles ne bouge pas vraiment, et car au fond lorsqu’on commence à y réfléchir, cela fait un peu peur. Cela pose évidemment plusieurs problèmes, qui m’ont d’ailleurs motivé à commencer ce blog : les énergies fossiles ne sont pas renouvelables, et il arrivera un jour où on en aura de moins en moins (ce qui est déjà le cas pour le pétrole et le gaz en Europe par exemple) ; l’utilisation de ces énergies émet du CO2, ce qui dérègle notre climat ; et enfin, les quantités utilisées sont telles que les remplacer par d’autres énergies est une mission impossible à laquelle il faut s’attaquer au plus vite (et pas sûr que Tom Cruise puisse nous aider pour celle-ci…).

Vous trouvez que le monde change vite vous ?

Vous vous êtes sûrement déjà demandé pourquoi le monde était plein de voitures, de camions, de smartphones, d’ordinateurs, de machines à laver, ou d’avions… Pas vrai ? Vous vous êtes aussi peut-être déjà demandé pourquoi tant de gens mangent de la viande à tous les repas, pourquoi les gens s’achètent en moyenne 5 paires de chaussures chaque année, et pourquoi à Noël on reçoit tant de jouets électroniques. Quand j’en parlais avec mes grands-parents, j’étais ébahi de voir que eux, ou leurs parents, quand ils étaient petits, mangeaient de la viande seulement pour les grandes occasions, recevaient des oranges pour Noël, et gardaient leur paire de sabots le plus longtemps possible. A l’époque je me disais que c’était parce que mes grands-parents étaient vraiment très vieux, et avaient donc vécu à une époque très lointaine. Mais maintenant je réalise que ce n’était pas il y a si longtemps que ça. Comment est-il possible que le monde ait changé aussi vite ? 😯

Avant, le monde était un peu « mou »

Mon grand-père m’expliquait que c’était le « progrès ». D’après lui, le progrès était quelque chose de naturel, qui arrivait grâce au génie humain, et qui continuerait à l’infini. Cool la vie quoi ! Mais quand j’ai regardé par moi-même de plus près comment le progrès avait débuté, je me suis aperçu que c’était beaucoup grâce… au charbon ! Bien sûr, et c’est là-dessus que mon grand-père avait un peu raison, l’intelligence humaine a été capable de trouver quoi faire avec ce charbon.

Au début de cette histoire (en 1700), les anglais se chauffaient déjà avec du charbon, mais ils n’en faisaient pas grand-chose de plus. Ils exploitaient le charbon en surface, mais petit à petit ce charbon facile à récupérer commença à manquer en Angleterre. Alors des mines de plus en plus profondes furent creusées. Le problème, c’est que plus elles étaient profondes, plus elles se faisaient inonder par l’eau souterraine. Le tout début du « progrès », ça a en fait été l’invention d’une pompe très basique qui fonctionnait au charbon, et qui servait à vider l’eau des mines. Cette invention est arrivée en 1711 (si vous voulez vous la raconter avec les dates).  Le génie de celui qui a inventé ça a été de trouver un moyen de faire bosser du charbon… à sa place ! 😎 Bon ce n’est pas tout à fait vrai : les mineurs faisaient plutôt travailler des chevaux à leur place pour remonter l’eau, à l’aide de roues à eau. La pompe remplaçait donc les chevaux. D’autres mines voulurent la même chose, si bien que 75 pompes furent installées les cinquante années suivantes (pas très rapide tout ça…).

Comment le monde s’est repris en main (parce que c’est pas bien d’être mou comme ça !)

Evidemment, des gens intelligents ont amélioré la pompe, et d’autres gens intelligents ont trouvé que cette pompe améliorée irait bien avec des roues, et pour que tout ça roule, ils mirent leur invention sur des rails. Cette invention (le premier train) servait à transporter le charbon dans les mines (comme le train de la mine à Disneyland Paris !). Et c’est à partir de ce moment (1803) que tout s’est accéléré. Des rails ont commencé à fleurir hors des mines (non non, pas tous seuls : il a d’abord fallu trouver assez de fer, et de charbon pour fondre le fer et le transformer en rails et en trains). Des gens ont trouvé comment rendre le fer plus résistant, en lui insufflant de l’air brûlant qui passe d’abord dans du charbon (ce qui utilise encore plus de charbon). Puis d’autres gens ont commencé à utiliser le gaz, qu’on trouvait aussi dans les mines de charbon, et qui brûlait très bien. Ils s’en servirent comme carburant pour des moteurs avec des roues, mais qu’ils mettaient sur les chemins cette fois-ci  : la voiture était inventée. Comme le gaz explose, il dégage plus d’énergie et ça permet de faire des moteurs plus petits qui vont sur les chemins et qui sont moins lourds que les grosses locomotives au charbon. Et enfin, d’autres gens se sont aperçu qu’on pouvait aussi utiliser du pétrole dans le même genre de moteurs. Le pétrole était déjà connu à l’époque, mais il servait juste à s’éclairer, dans les lampes à pétrole.

C’est à peu près à la même époque qu’on a commencé à produire de l’électricité. Là encore, le charbon était dans le coup, puisque c’est en le brûlant qu’on faisait tourner les dynamos géantes qui produisaient l’électricité. Bref, on a bau dire que le génie humain a tout fait, il faut quand même rendre un bel hommage à notre ami le charbon, qui nous a filé un bon coup de pouce ! 😉

Le charbon est encore notre ami, on a toujours besoin de lui ! Ici, c'est une mine en Allemagne.
Le charbon est encore notre ami, on a toujours besoin de lui ! Ici, c’est une mine en Allemagne. Regardez le petit bulldozer tout mignon à côté de cette machine !

Le monde change de plus en plus vite !

Alors qu’a-t-on fait de tout ça ? Et bien la première chose, c’est que les agriculteurs qui bêchaient à la main ou à l’aide de leurs bœufs et de leur charrue ont pu les remplacer par des charrues qui fonctionnaient au pétrole (des tracteurs, des moissonneuses-batteuses…). Et là, comme par magie, il y avait trop d’agriculteurs ! Il faut dire qu’à l’époque, deux personnes sur trois travaillaient dans les champs. Avec l’aide du pétrole qui permettait d’aller beaucoup plus vite qu’avec les bœufs, un fermier suffisait pour un grand champ alors qu’auparavant il en fallait plusieurs, et avec leurs bœufs. Petit à petit, quasiment tout le monde arrêta le travail agricole et alla vivre dans les villes. Ces gens se mirent à travailler dans les usines qui produisaient les voitures, mais aussi les habits, et de plus en plus d’objets de la vie de tous les jours : aujourd’hui, seul un français sur trente travaille aux champs ! Bien sûr, les usines fonctionnaient avec de l’électricité produite au charbon, ou bien les machines fonctionnaient directement avec du charbon.

Les villes ont grossi avec l’arrivée de ceux qui n’étaient plus au champ, les usines accueillaient de plus en plus de monde. Il fallait des personnes pour réfléchir à comment coordonner tout ça, à comment améliorer le fonctionnement des usines, à comment mieux concevoir les objets produits etc. Il fallait aussi des gens pour vendre tout les nouveaux produits, pour en faire la pub, pour en faire les emballages,et  pour prêter de l’argent à tous ceux qui voulaient se lancer dans un business… En bref, le charbon a permis de faire passer les gens des champs au bureau ! Si c’est pas un changement énorme ça ! 😯

Ci-dessous un petit résumé en 20s de tous les changements du monde :

Alors, c’est grâce à qui tout ça ?

Comme vous l’avez compris, toutes ces avancées au cours de l’Histoire ont nécessité beaucoup de charbon pour construire les bâtiments, les routes, toutes les machines, puis toutes les usines, les magasins, les camions, etc, qui nous permettent d’avoir beaucoup de services et de consommer beaucoup. Il faut aussi de l’énergie pour alimenter toutes ces machines, ces bâtiments, etc, au jour le jour. Cette énergie venait du charbon au départ, puis de plus en plus du pétrole (pour faire rouler les voitures et voler les avions) et du gaz (pour faire de l’électricité). Ce trio magique (charbon, gaz, pétrole), on les appelle « les énergies fossiles », car ils sont formés à partir d’êtres vivants des temps anciens qui sont morts et se sont décomposés et transformés d’une manière particulière, comme des fossiles.  Sans ces énergies, nous en serions toujours à bêcher nos champs à la force de nos bras et de nos boeufs, et à nous chauffer au bois !

La magie du charbon, du gaz, et du pétrole, c’est qu’ils donnent beaucoup d’énergie en comparaison à ce qu’on avait avant, et, en plus, il la donnent plus vite. Pour bien se rendre compte de l’énergie qu’ils contiennent, il faut se dire qu’un litre de pétrole permet à nos voitures de parcourir en gros 20 km. Oui oui, une bouteille de 1L de pétrole permet de remplacer un type qui pousse une voiture sur 20 km ! Plutôt efficace hein ? 😯 On dit que ces énergies sont très « concentrées » (c’est-à-dire qu’une petite quantité de charbon, de gaz, ou de pétrole, donne beaucoup d’énergie). C’est grâce à cela qu’on a pu imaginer des machines qui les utilisaient, et qui étaient bien plus fortes que les hommes. Ces énergies ont ainsi progressivement remplacé les hommes et les animaux dans l’agriculture, dans le transport, et dans les usines. Elles ont aussi permis de remplacer les femmes dans les foyers, grâce à la machine à laver, et aux robots ménagers de tous types. Et la liste des changements qui sont arrivés grâce aux énergies fossiles est sans fin.  Certains font même l’hypothèse que l’esclavage a été aboli en Europe et aux Etats-Unis (entre 1815 et 1865) parce que ce n’était plus rentable face aux énergies fossiles ! Presque tout dans notre monde moderne a été façonné par les énergies fossiles, et presque tout a besoin d’elles pour fonctionner.

Un tracteur à Cuba, pays en manque de pétrole à cause de l'embargo américain...
Un tracteur à Cuba, pays en manque de pétrole à cause de l’embargo américain… Faut faire travailler les muscles !

Au final, si on regarde qui bosse vraiment pour créer du « progrès », on s’aperçoit que c’est beaucoup le charbon et les autres énergies fossiles. D’ailleurs, en science, dès que quelque chose change, on dit que de l’énergie a circulé, et c’est d’ailleurs comme ça qu’on définit l’énergie : l’énergie, c’est ce qui circule quand on observe un changement. Par exemple, quand je roule sur mon vélo, mon vélo et moi changeons d’endroit. C’est en fait l’énergie des aliments que j’ai mangé et l’énergie de l’air que je respire qui se transforme en énergie musculaire, puis en vitesse. L’énergie circule donc des aliments et de l’air, vers mes muscles, puis dans le vélo.

Le génie humain est finalement là pour trouver comment faire des changements autour de nous, mais en utilisant autre chose que l’énergie de nos propres muscles. Le génie a donc libéré du temps à ceux qui faisaient travailler leurs muscles toute la journée… par exemple pour qu’ils (et elles) finissent devant un ordinateur ! Est-ce du progrès, comme le disait mon grand-père ? Ceci est une vaste question philosophique, sur laquelle vous aurez sûrement votre propre avis 😉